Lettre à Arthus Bertrand
Une agricultrice écrit à Yann Arthus Bertrand
Claire Juillet est agricultrice en Saône et Loire à l’Earl du Paquier (élevage bovins allaitants, porcs plein air, maraîchage, agriculture biologique). Elle adresse ici un message “nécessaire” au photographe dont le discours à charge contre une certaine agriculture est devenu inacceptable.
Claire Juillet
Source de l'article
http://www.lagri.fr/tribune-quand-une-agricultrice-ecrit-a-yann-arthus-bertrand
Monsieur Arthus Bertrand,
La presse unanime annonce avec enthousiasme la diffusion imminente de votre dernier (?) film “Legacy” qui sera projeté sur M6 dans quelques jours. Avant tout, je tiens à préciser que je conserve précieusement dans ma bibliothèque votre magnifique livre “Bestiaux”, acquis dès sa parution et que je feuillette régulièrement avec le plus grand plaisir, tant les portraits qu’il contient montrent toute l’humanité des éleveurs et le lien particulier qui les unit à “leurs bêtes”.
Au vu de la bande annonce de votre film, bien que je comprenne qu’il s’agit d’une mise en bouche destinée à appâter le spectateur, j’ai d’abord été prise de colère, puis d’indignation. Depuis quand vous sentez-vous pousser des ailes de procureur ? Qui vous permet, apôtre de la décroissance sur le tard, familier des milliardaires, utilisateur compulsif des moyens de locomotion les plus polluants, de donner des leçons au reste de l’humanité ? Certes, personne n’est irréprochable, mais votre commentaire en voix off dans ce petit teaser est un ramassis d’approximations qui viendra, une fois de plus, alimenter l’infime minorité agissante de ceux qui veulent la peau des agriculteurs en général et celle des éleveurs en particulier.
Où avez-vous filmé les images terrifiantes de ces concentrations de bovins ? Pas en France, bien sûr, mais le film ne le dit pas. Vous laissez croire que tous les bovins seraient soumis à un régime d’injections chimiques de toutes sortes. Ignorez-vous que c’est interdit chez nous ?
Vous semblez trouver scandaleux que la consommation mondiale de viande ait été multipliée par 3 en 40 ans. Avez-vous bien réalisé que, dans le même temps, la population mondiale a doublé et qu’elle se répartit comme suit : 59,5 % en Asie et 17,2 % en Afrique, loin devant l’Europe qui représente moins de 10 % ?
Laissez-moi vous apprendre que dans cette même période la consommation de viande en Chine a été multipliée par 12, celle du Brésil par 2 et que, depuis 2004, l’Inde est devenu le premier producteur mondial de lait.
Je vous suggère sur ce point la lecture du rapport de 2006 de la FAO sur l’élevage, dans lequel vous pourrez découvrir que le centre de gravité des activités liées à l’élevage se déplace inéluctablement du Nord vers le Sud depuis 1995. Que vous en soyez désolé n’y change rien : il se trouve que les populations des pays émergents ont aussi envie d’avoir accès à une nourriture autrefois réservée aux “riches” et qu’ils en acquièrent peu à peu les moyens.
Au nom de quel principe vous sentez-vous autorisé à leur faire la morale ? Auriez-vous le toupet de proposer que, pour lutter contre le réchauffement climatique, il conviendrait que le Botswana mette fin à une politique agricole qui tend à l’autosuffisance alimentaire de sa population ?
Que n’utilisez-vous votre entregent considérable pour aller faire, pourquoi pas, la leçon à Xi Jinping ou à Bolsonaro ? Il est vrai que c’est un poil plus risqué que de culpabiliser la ménagère de moins de cinquante ans, de cajoler la vegane trentenaire ou de désigner comme tant d’autres avant vous, les agriculteurs comme boucs émissaires.
Venons-en au passage le plus ridicule de votre texte.
Vous prétendez qu’un hectare cultivé peut nourrir deux carnivores ! De quels carnivores parlez-vous ?Je crois comprendre que vous faites allusion à l’être humain dans une pirouette sémantique destinée à flatter vos amis animalistes. Car vous ne pouvez pas ignorer que, d’une part, Homo Sapiens est omnivore (sinon il ne pourrait pas choisir de devenir végétarien) et, d’autre part, qu’on ne verra pas de si tôt vos chers lions brouter la savane. Au passage, vos deux carnivores ont un solide appétit car un hectare, c’est à peu près ce qu’il faut sous nos climats pour élever un bovin. Dans mon entourage, je ne connais personne d’assez affamé pour avaler la moitié d’un bœuf (soit 200?kg) par an.
Vous semblez par ailleurs réellement croire que le même hectare pourrait nourrir 50 végétariens. Ah bon ? C’est dommage, mais votre optimisme vous égare ou alors vous n’avez pas beaucoup pratiqué l’agriculture. 50 végétariens, c’est peut-être possible dans le cadre d’une agriculture ultra intensive chère aux industriels de la chimie, mais sûrement pas en agriculture biologique que vous prétendez défendre et en respectant les cycles nécessaires à la rotation des cultures.Une hypothèse plus raisonnable n’aboutirait alors qu’à la possibilité de nourrir 4 à 5 personnes sur cette surface. Mais bien sûr, asséner un slogan, ça marque davantage le spectateur qu’une leçon d’agronomie.
Cher Monsieur, il est possible que la bande annonce de votre film ne reflète pas avec exactitude le contenu de celui-ci. Ce ne serait pas la première fois que la pub ne correspondrait pas à la réalité du produit proposé. Mais, voyez-vous, il devient de plus en plus insupportable de recevoir, à longueur de journée et par trop de canaux médiatiques, ces incessantes leçons de morale, surtout lorsqu’elles viennent d’écologistes de salon dont les modes de vie sont aux antipodes de ce qu’ils exigent du citoyen lambda. Et vos récents efforts de soit disant “compensation carbone” visant à annuler l’impact écologique de vos déplacements dans les transports les plus polluants du monde ne sont rien d’autre qu’une version moderne du commerce des indulgences. C’est ce qu’on appelle s’acheter une conscience pour pas cher.
Soyez aimable Monsieur et quittez ce costume paternaliste passé de mode qui fleure la naphtaline néocoloniale. Nous sommes fatigués des discours de cette génération qui, après avoir profité sans réserve des Trente glorieuses, s’autorise à vouloir imposer à tous une prétendue sagesse acquise bien tardivement. Vous nous assurez que vous avez un cœur. À la bonne heure.
À l’avenir, servez-vous aussi de votre cerveau pour éviter de raconter n’importe quoi. Vos images sont plus éloquentes que vous. Vous feriez bien de vous en contenter ou d’employer vos talents et votre influence à mettre un terme à la dérégulation sauvage des échanges commerciaux qui est la véritable responsable du saccage de notre belle planète.
Claire Juillet
Après HOME et la série Vu du Ciel, le film documentaire de 90 minutes LA SOIF DU MONDE de Yann Arthus-Bertrand, réalisé par Thierry Piantanida et Baptiste Rouget-Luchaire propose un nouveau voyage autour de la terre. Cette fois-ci le célèbre photographe s'intéresse à l'un des enjeux majeurs pour la survie des populations : l'EAU. Aujourd'hui, dans un contexte de forte croissance de la demande, d'augmentation de la population mondiale et d'aggravation des effets des dérèglements climatiques, l'eau est devenue l'une des plus précieuses richesses naturelles de notre planète Fidèle à la réputation de Yann Arthus-Bertrand, LA SOIF DU MONDE, tourné dans une vingtaine de pays, révèle le monde mystérieux et fascinant de l'eau douce grâce à de spectaculaires images aériennes tournées dans des régions difficiles d'accès et rarement filmées, tel que le Soudan du Sud ou le nord du Congo ; découvertes aussi des plus beaux paysages de notre planète, lacs, fleuves, marais, dessinés par l'eau. LA SOIF DU MONDE fait donc le pari de confronter la fameuse vision aérienne du monde de Yann Arthus-Bertrand avec la dure réalité quotidienne de tous ceux qui sont privés d'eau, en meurent parfois et se battent sur le terrain pour se procurer l'eau, l'épurer ou l'apporter à ceux qui en manquent. Le film est tissé de rencontres. Un berger du nord Kenya nous dit dans les yeux qu'il a tué pour de l'eau et qu'il le fera encore. Des femmes dansent lorsque l'eau arrive enfin dans leur village. Une ambassadrice des Nations Unies atypique explique son combat pour que les gouvernements s'engagent eux aussi pour permettre l'accès à l'eau et aux techniques les plus modernes d'épuration, garantes de la survie et de la santé des populations les plus pauvres. Des reportages réalisés en Europe, en Afrique, en Asie, en Amérique, donnent la parole à ceux qui s'engagent et innovent, afin d'apporter l'eau où elle manque, l'utiliser plus intelligemment, l'épurer ou mieux encore cesser de la polluer. Des personnalités attachantes, reconnues internationalement ou simples acteurs de terrain, illuminent le film de leur énergie, de leur imagination et de leur enthousiasme... Car l'accès à l'eau potable est plus que jamais le grand enjeu de demain.
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- L'ONU estime que 800 millions de personnes sont privées d'eau potable dans le monde. Après Home et la série Vu du ciel, Yann Arthus-Bertrand s'intéresse à l'eau douce, l'un des enjeux majeurs de l'époque contemporaine. Fidèle à sa méthode, le photographe et réalisateur a pris de la hauteur en filmant lacs, marais, rivières et fleuves depuis le ciel, à bord d'un avion, d'un hélicoptère ou d'un ULM. Des images tournées dans des régions parfois difficiles d'accès telles que le Soudan du Sud ou le nord du Congo. Le film donne également la parole à ceux qui innovent pour apporter l'eau là où elle manque ou en limiter la pollution.
- https://www.programme-tv.net/programme/telefilm/3318679-la-soif-du-monde/
"La soif du monde", Yann - Arthus Bertrand from Groupe AFD on Vimeo
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Page publiée le 5 Février 2021
Date de dernière mise à jour : 05/02/2021