La terre en héritage
Laines Paysannes
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Le projet est né de la rencontre entre deux activités, l’une artisanale, l’autre agricole. L’élevage de brebis est l’affaire de Paul. La partie tissage et valorisation des laines locales est menée par Olivia.
La laine possède de nombreuses qualités. Pourtant, elle est peu utilisée dans l’industrie française. Le plus souvent, elle est importée de pays producteurs de laine fine comme l’Australie sous sa forme brute, ou de pays qui la transforment à bas coût pour l’habillement. La diminution de l’utilisation de cette matière s’explique notamment par l’avènement au 20ème siècle des matières textiles d’origine végétale puis chimique. Ces nouvelles matières, moins coûteuses à produire ont peu à peu remplacées la laine dans tous les secteurs : habillement, literie, isolation. Ce changement de pratiques, ainsi que la délocalisation du travail textile ont conduit à une destruction du marché de la laine en France. Cette perte de valeur marchande a amené les éleveurs à se désintéresser de la laine de leurs moutons. La tonte et la commercialisation de la laine sont devenues une contrainte pour les éleveurs, qui cherchent à se débarrasser d’un « sous-produit ». Pour les fermes, la laine est désormais devenue une charge. Une charge économique d’une part : la vente de la laine en suint permet à peine de rémunérer tondeurs et attrapeurs, à laquelle s’ajoute un prix variable soumis aux aléas du marché mondial. Une charge de travail d’autre part : l’organisation du chantier de tonte et la vente de la laine nécessitent main d’œuvre et espace de stockage. Ce désintérêt a entrainé une importante perte de la qualité lainière au sein des élevages, lesquels effectuent la sélection génétique des animaux uniquement sur la viande et le lait. Un cercle vicieux s’est ainsi créé autour de la non-valorisation de la laine, la perte de qualité entraînant des difficultés quant à sa valorisation auprès de marchés de moins en moins demandeurs en laine française.
Pourtant, les propriétés multiples de la laine en font une matière très intéressante. Elle est isolante, facile à nettoyer, s’enflamme difficilement et absorbe l’humidité. Malgré un manque d’infrastructures transformant la laine, Olivia et Paul sont convaincus de sa valeur et sont déterminés à produire des articles de qualité.
Olivia : « Ma rencontre avec la laine est d’abord passée par la teinture naturelle et le tissage artisanal à l’occasion de plusieurs voyages en Amérique Centrale. Là-bas, les indiens Boruca et les artisans avec lesquels j’ai eu le plaisir de travailler m’ont permis d’entrevoir la richesse mais aussi la fragilité des savoirs textiles qui ont survécu jusqu’à aujourd’hui. Installée en Ariège depuis 2009, c’est dans une démarche de réappropriation des savoir-faire que l’aventure lainière a commencé. L’Ariège est un département pastoral où la laine « pousse » en abondance. J’ai peu à peu appris à la trier, la filer, la teindre, la tisser… J’ai alors découvert le monde de l’élevage, des tondeurs et des bergers … que de savoir-faire autour de la brebis ! Depuis, chaque année, pendant la tonte, j’ai les pieds dans la bergerie et les mains dans la laine pour trier les plus belles qualités, adaptées aux produits que je souhaite réaliser. Après une formation professionnelle en «Techniques des fibres et du tissage», j’ai lancé une petite production d’articles en laine tissée. Puis, au fil des rencontres et de nouvelles expériences, un projet plus large autour de la valorisation des laines locales s’est dessiné. Une formation en développement local et une étude universitaire sur la filière laine ariégeoise ont appuyé ma démarche. L’idée était avant tout de proposer un débouché pour des laines triées, d’apporter des solutions aux éleveurs désireux de faire quelque chose avec leur laine. C’est dans ce cadre qu’en 2015 nous avons entamé un travail avec Paul pour améliorer la qualité de sa laine et la valoriser… une aventure devenue partenariat pour construire le projet Laines Paysannes. »
Paul : « Après plusieurs années d’études et de voyages, j’ai pris la décision de revenir sur la ferme familiale en 2012, située sur la commune de Saverdun, aux pieds des Pyrénées. Maintenant associé en GAEC avec mon père, nous élevons des brebis Tarasconnaises en Agriculture Biologique et en plein air intégral. A l’approche de l’été, le troupeau transhume dans les montagnes de la Haute-Ariège. Les premières années, j’ai mis en place le réseau de commercialisation nécessaire pour valoriser toute notre production en vente directe. C’est dans la démarche de proposer des produits de qualité et de valoriser au mieux toutes les productions du troupeau que nous avons envisagé de valoriser notre laine. Depuis, l’idée a cheminé au-delà du troupeau. »
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Lisboa
Mes photographies de Lisbonne, en noir et blanc et au format carré, sont une invitation à découvrir cette capitale magnifique, mystérieuse et hors du temps. Elles invitent à errer et à s’imprégner des atmosphères mais n’ont pas la prétention de montrer l’intégralité de «Lisboa». Une seule certitude, celle de revenir la voir, de me perdre à nouveau dans son labyrinthe, dans ses quartiers tous aussi riches que variés et de retrouver ses accueillants habitants.
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Adrar
Un reportage dans la vallée d’Aït Bougmez, au Maroc.
Dans le mythe Grec, le géant Atlas est condamné par Zeus à supporter sur ses épaules la voûte céleste. Le nom Atlas pourrait dériver du mot Adrar qui signifie « montagne » en langue tamazight (berbère). La vallée d’Aït Bougmez est connue sous le nom de « la vallée heureuse » ou « la vallée des gens heureux ». Elles est située à la limite Est de la province d’Azilal à une altitude comprise entre 1800 et 2300 m au Nord du Massif du M’goun culminant à 4068 m. Elle étire sa verdure sur quelques trentaines de kilomètres et compte 27 villages d’une architecture ancestrale de terre battue et une population d’environ 20.000 habitants. L’agriculture irriguée est un fait marquant en terme de paysage, et socialement en terme de coordination des acteurs. Les cultures maraîchères, les arbres fruitiers et les céréales constituent l’activité principale, tandis que l’activité pastorale occupe la deuxième ressource. Les villages du Haut Atlas rassemblés autour du grenier collectif (Igherm) ou de la maison forte (tighermt) surplombent les vallées.
Dans cette Vallée Berbère du Haut Atlas l’homme est le protecteur de la famille, tandis que la femme, très active, représente son pilier, symbole de la chaleur du foyer. Elles commencent la journée en s’occupant des enfants et en effectuant les tâches domestiques. Ensuite, elles rejoignent le fond de la vallée pour travailler dans les champs, prendre soin des troupeaux, faire la lessive dans la rivière et ramasser du bois pour le feu. Elles portent très souvent de lourdes charges.
« Oui, ce sont les femmes qui portent les lourds fardeaux ici. C’était ainsi du temps de mon père et de mon grand-père, c’est notre tradition. Certains pensent que c’est mauvais pour la réputation d’un homme s’il fait le travail d’une femme. Les hommes, réalisent les travaux comme la construction de maisons en pisé ou l’entretien des canaux d’irrigation. Certains quittent aussi le village à cause du manque de travail. En général, ils gagnent tout juste assez pour vivre, travaillent pour six ou sept euros par jour, mais la vie en ville coûte plus chère. Les familles n’en profitent pas, ni le village. Quand l’homme part en ville toutes les tâches reposent alors sur les épaules de son épouse. Les femmes ont beaucoup à faire pendant la journée. C’est pour ça que j’espère qu’au moins une de mes filles se mariera avec un homme extérieur à la vallée, pour avoir une vie meilleure, ou avoir une bonne éducation, même si nous ne pouvons pas économiser assez d’argent pour payer les frais de scolarité. Nous ferons de notre mieux. »
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Le syndrome de Pliouchkine
Le syndrome de Pliouchkine*, plus connu sous le nom de « syndrome de Diogène ou « amassement compulsif », est un trouble inhomogène et complexe. L’activité d’entassement, le retrait social et le refus d’aide en sont les symptômes principaux. Jean sillonne la ville toutes les nuits, aux mêmes heures, en suivant le même parcours cherchant ce qui l’intéresse le plus ; des aliments pour se nourrir, des livres et des journaux pour assouvir son besoin de connaissances. Il accumule aussi, de manière excessive, toute sorte d’objets, indépendamment de leur utilité et de leur valeur. Son mode de vie est original mais pas insensé. Il suit sa propre logique. Ainsi, par respect de l’environnement, il dessèche les aliments qu’il collecte dans les poubelles pour réduire leurs quantités et améliorer le rendement de l’incinérateur de déchets. Une fois par an environ, pour des raisons sanitaires, les services de la ville font intervenir une société de nettoyage. Jean tente alors de mettre de coté ses plus riches trouvailles. Cependant, lors de ces deux jours d’intervention, la totalité des objets jonchant le sol de son appartement repartiront dans les ordures ménagères. Pour autant, dès le lendemain, Jean retourne en ville avec le même objectif en tête en remontant dans son logement barquettes d’aliments, journaux, et autres objets insolites.* Pliouchkine est un personnage du roman de Nikolaï Gogol, « les âmes mortes » (1842). Russe aristocrate, il vit dans une maison au désordre impressionnant, traverse la contrée à la recherche de toute sorte de fatras et accumule ses trouvailles dans son logement.
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Laisse béton
Travail réalisé en résidence artistique d’expérimentation – Château de Seix – Couserans, Ariège – Printemps 2019
Dans le Couserans, le « vert » est omniprésent. Quand je suis arrivé en avril la végétation explosait après l’hiver. C’est justement parce que ce territoire est sans doute l’une des régions les moins bétonnées de France que je mets en lumière dans ce travail photographique l’utilisation massive de ce matériau de construction depuis les années 50. Le contraste est plus important ici que dans une région urbanisée. https://vimeo.com/443105234
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Alors que nous avons hérité de maisons, églises, murets (…) en matériaux bruts, nobles et locaux, qui même après destruction peuvent rejoindre facilement le milieu naturel sans devenir un déchet, ce travail est une réflexion sur la trace du béton laissée aux générations futures. Il ne dénonce donc pas une quelconque politique d’urbanisme locale mais laisse plutôt des interrogations : le béton sera-t-il autant utilisé ces prochaines décennies alors que sa fabrication en fait le matériau le plus émetteur de CO2, que la pénurie de sable en fait une ressource stratégique, rare et objet d’un vaste trafic, que les extractions maritimes menacent les côtes et les écosystèmes ? Jusqu’à quand cette exploitation sera-t-elle possible ? Quels impacts sur le bâti et sur l’environnement le béton laissera-t-il aux générations futures ? Mon travail se décline sous deux formes : une série photographique présentée en exposition et un objet multimédia où l’on peut découvrir le béton disparaître et la végétation reprendre place.
Date de dernière mise à jour : 31/07/2022