La vie de Ernest Pérochon
La vie de Ernest Pérochon
Inconnu de beaucoup, Ernest Pérochon a été un écrivain prolifique qui reçut le Prix Goncourt en 1920 pour son roman Nêne. Inconnue également, la vie de ses personnages, pourtant si proche de celle de ses contemporains.
La Tour Nivelle est un lieu dans lequel vous pouvez vous attarder sur cet homme. Une maison littéraire plus précisément : un espace consacré à la littérature, mais où tout est fait pour se sentir comme chez soi et un peu comme chez l’écrivain.
Une vie à partager
1885, nous sommes à Courlay dans le Bocage Deux-Sèvrien. Une école publique est construite au hameau de la Tour Nivelle. Cette même année naquit Ernest Pérochon dans la ferme du Tyran, toute proche de cette école. Il la fréquente alors jusqu’à obtenir son Certificat d’Etudes Primaires. Dans son enfance, le jeune Ernest Pérochon est touché par la grande pauvreté de certains de ses camarades ainsi que par l’intolérance religieuse qui marque son pays.
Ernest Pérochon, un élève doué
Brillant élève, il poursuit son instruction et rentre en 1900 à l’Ecole Normale de Parthenay afin de devenir un instituteur de la République. En 1903, il est en poste comme adjoint à Courlay.
Après son service militaire, notre jeune instituteur épouse en 1907 une collègue, Vanda Houmeau. Nommés à Saint-Paul en Gâtine, commune du département des Deux-Sèvres, ils vont s’atteler à instruire les enfants du village mais aussi leur fille, Simone, qui naît en 1908. Des années de lecture ont donné à Ernest Pérochon l’envie d’écrire. Il commence par deux recueils de poèmes qui reflètent son amour pour le monde paysan, son Poitou et les enfants. Il se fait l’héritier de la tradition paysanne et des conteurs.
Les premiers pas dans l’écriture
En 1912, il débute l’écriture d’un premier roman. Sous le nom des Creux de Maisons. Ernest Pérochon met en lumière les conditions difficiles des paysans et de leurs enfants, ces «va-nu-pieds» qu’il côtoyait à Courlay. Cette histoire paraît sous forme de feuilletons dans le journal l’Humanité. L’année suivante, il l’édite avec ses propres fonds.
1914, la Grande Guerre
Ernest Pérochon participe à la Première Guerre mondiale sur le front. Suite à une attaque cardiaque, il est rapatrié rapidement à Parthenay. Les quelques semaines de guerre auxquels il a participé l’ont rendu à tout jamais plus pessimiste sur les hommes. La vie à l’arrière lui inspire l’une de ses plus grandes réussites qu’il ne publiera qu’en 1925, Les Gardiennes. Hommage aux femmes qui ont permis, par leur travail harassant, de faire prospérer les exploitations agricoles et de nourrir le pays pendant le conflit.
Le Prix Goncourt avec Nêne
Après la guerre, l’instituteur Pérochon reprend du service. Pour l’écrivain, il faut plus de temps. En 1920, il publie cependant un nouveau roman à ses frais. Il l’intitule Nêne. Présenté au Prix Goncourt, ce dernier lui est décerné ! C’est une carrière littéraire qui s’annonce pour Ernest Pérochon.
D’autres romans suivent : sur la religion et les Guerres de Vendée avec Barberine des genêts ou encore sur les évolutions du monde rural avec la trilogie des Mazureau. Après l’obtention du Prix Goncourt, Ernest Pérochon décide d’arrêter son métier d’enseignant, mais sans cesser de réfléchir à l’éducation et aux enfants. Un essai sur le métier d’instituteur lui est demandé. Il écrit également sept romans et livres scolaires. Les Pérochon s’installent à Niort, préfecture des Deux-Sèvres.
Sa famille, ses livres, ses rencontres et ses promenades dans le marais poitevin l’entraînent alors jusqu’en 1942.
Pendant la guerre, il refuse de collaborer
Ernest Pérochon, marqué par la Première Guerre mondiale a toujours exprimé ses craintes face à la possibilité d’un nouveau conflit, encore plus terrible. Malheureusement, il avait raison. Auteur écrivant sur le monde rural, il est très vite sollicité par le Régime de Vichy pour collaborer. Il refuse et il est alors considéré comme «gaulliste, propagandiste, agitateur de la jeunesse». Les pressions qui sont exercées sur l’écrivain provoquent chez lui une seconde attaque cardiaque en février 1942. Elle lui est fatale !
Enterré sans obsèques officielles, les écoles de Niort ont l’interdiction de venir se recueillir sur sa tombe. La fin de la Seconde Guerre mondiale redonne ses lettres de noblesse à cet homme. Son gendre, Delphin Debenest, magistrat et résistant participe au procès de Nuremberg mené contre les Nazis. La mémoire d’Ernest Pérochon perdure également à Niort avec la création de l’association des Amis d’Ernest Pérochon. Et peut-être le plus beau cadeau fait à cet homme, son œuvre est reprise dans de nombreux livres scolaires pendant les trois décennies suivantes.
https://www.tournivelle.fr/la-vie-de-ernest-perochon/
Son oeuvre
Instituteur, le livre est pour Ernest Pérochon un outil d’éducation mais il souhaite aussi en faire une source de plaisir et de développement personnel pour les enfants… Mais aussi pour les adultes.
Après l’obtention du Prix Goncourt, Ernest Pérochon s’est consacré à l’écriture et il œuvre à la diffusion de la lecture. La vie dans son Poitou natal, entre tradition et modernité, la misère, l’intolérance religieuse, les conditions féminines, la guerre et la paix, l’environnement… les thèmes abordés par Ernest Pérochon sont nombreux, et derrière des histoires locales, son œuvre révèle des thèmes plus universels.
Dans ses écrits pour les enfants, il souhaite transmettre le goût de la nature, des sciences et de l’imagination mais aussi de l’entraide.
L’oeuvre d’Ernest Pérochon contient 2 recueils de poèmes,18 romans, 1 essai et 7 livres scolaires.
Certains de ces ouvrages sont disponibles à la Boutique du musée
Le Prix Goncourt 1920 pour Nêne
Le Prix Goncourt est souvent considéré comme le prix littéraire français le plus prestigieux. Dans le cas d’Ernest Pérochon, il lui a effectivement donné la notoriété et permit de pouvoir se consacrer entièrement à l’écriture.
Cent mille exemplaires et 10 langues
Nêne a été vendu à cent mille exemplaires. Il a été traduit en dix langues dont en Japonais. En 1924, Jacques de Baroncelli l’adapte pour le cinéma muet. Le film est un succès en salle. Pourtant, le réalisateur a modifié la chute du roman. Pour lui, elle est trop sombre, les spectateurs ne s’attendraient pas à celle choisie par l’écrivain. Ernest Pérochon, ayant donné son accord à l’adaptation, accepta également cette modification. Mais pour lui, s’il devait la réécrire, il ne changerait pas son histoire.
Mais quelle est cette histoire ?
Nêne, comme le diminutif de Madeleine, l’héroïne. Nêne, comme le surnom donné à une marraine. Nêne, l’histoire d’une femme prise entre l’amour de deux enfants, sa position sociale et sa religion. Nêne, ou une histoire promise à un grand succès.L’histoire se déroule dans le Bocage d’origine de l’auteur. Madeleine est dissidente.
Les dissidents sont des catholiques qui ont refusé au début du XIXe siècle le Concordat passé entre le Pape et la France. Ils appartiennent à la Petite Église et ne reconnaissent plus l’autorité du Pape. A Courlay, commune où naquît Ernest Pérochon, ces dissidents sont nombreux et les oppositions religieuses sont encore très fortes au début du XXe siècle. Madeleine en vivra l’expérience.
Au début du roman elle devient la servante de Michel Corbier, un veuf dissident également, qui a besoin de quelqu’un pour s’occuper de ses deux enfants. Elle concentre alors tout son amour sur les deux jeunes enfants et prend progressivement la place qui devrait être celle d’une marraine, voire d’une mère. Les conditions sociales dans le monde rural de cette époque ne le permettent pas et Madeleine en subit les conséquences…
https://www.tournivelle.fr/le-prix-goncourt/
Pour savoir lesquelles, la lecture de Nêne s’impose ou alors demandez-nous…
Pour en savoir plus, lire l’article sur l’Express « Les Goncourts oubliés »
Goncourt oubliés 3: Ernest Pérochon, 1920
Son nom ne vous dit probablement rien. Il y a 92 ans pourtant, Ernest Pérochon connaissait la gloire littéraire en décrochant le prestigieux prix Goncourt pour Nêne.
Après Claude Farrère et Paul Colin, les Goncourt oubliés ont choisi de braquer leurs projecteurs sur Ernest Pérochon, prix Goncourt en 1920 pour Nêne. Mérite-t-il son triste sort?
De la craie à la plume
Ernest naît en 1885 à Courlay dans les Deux-Sèvres, dans une famille protestante. Il fréquente l'école primaire du hameau de la Tour Nivelle, devenue depuis un musée qui porte son nom. D'abord instituteur, il se consacre à l'écriture de poèmes inspirés par la vie rurale et les enfants dont il assure l'éducation. Attaché à sa région, il cherche à transmettre son amour pour les humbles, "les cherche-pains". Sa passion pour l'écriture devient sa nouvelle profession: son premier roman, Les Creux de Maisons, est publié en feuilleton dans L'Humanité de Jean Jaurès en 1912. Après avoir reçu le Prix Goncourt pour son second roman, il quitte l'enseignement et s'installe à Niort jusqu'à son décès en 1942. Son oeuvre se compose de 19 romans, deux recueils de poèmes, sept livres pour enfants et un essai.
Un mélodrame transposé à l'écran
Nêne conte l'histoire de Madeleine Clarandeau, une servante employée par un fermier de trente ans, Michel Corbier, veuf et père de deux enfants en bas âge: Eulalie et son petit frère Georges. Peu à peu, la domestique s'attache à la maison, à son maître et surtout à ses "chétifs", qu'elle considère comme les siens. Mais son bonheur tranquille est vite perturbé par les mesquineries d'un valet, Boiseriot, et d'une couturière, Violette. Des relations sous tension prennent peu à peu le dessus -dans une atmosphère déjà pesante- au sein d'un village de Vendée où s'opposent protestants, catholiques et "dissidents", héritiers des chouans qui n'ont jamais accepté le concordat napoléonien entre Eglise et Etat. Madeleine et Corbier sont issus de familles "dissidentes". Violette, la traîtresse, est catholique.
L'histoire de Nêne a été portée au cinéma en 1923 par le réalisateur Jacques de Baroncelli, dans une adaptation muette d'une heure et quart, sous le même titre. L'exemplaire du roman d'Ernest Pérochon que nous nous sommes procuré (Plon, 1923) est une réédition illustrée d'après le long métrage. On y découvre un échange de lettres entre le cinéaste et l'écrivain: l'un explique ses arguments quant aux modifications qu'il souhaite apporter à l'intrigue; l'autre, sensible à cette vision de son oeuvre, lui donne sa bénédiction.
Une ode à la tendresse
Outre ces précieuses informations, des photographies tirées du film illustrent le texte, en noir et blanc, saisissantes, et commentées tel un roman-photo; mais le roman recèle ses propres trésors: on est séduit par le charme désuet des verbes utilisés, les "se gringacer" (pour se disputer), "amignonner" (pour amadouer) ; les descriptions poétiques de la campagne que l'éditeur compare à juste titre à des tableaux; l'histoire de cette servante au caractère solide et à la fois si fragile, qui aime profondément les enfants dont elle s'occupe au point de tout leur sacrifier. Beaucoup de tendresse se dégage d'un univers où règnent injustice et cruauté. Ce mélange d'émotions fait de Nêne une oeuvre particulièrement touchante... malgré l'absence de happy end. Dans la réponse adressée à Jacques de Baroncelli, Ernest Pérochon écrivait: "Ce dénouement, on me l'a si souvent reproché que je ne devrais plus y songer sans honte. Eh bien non! Je persévère dans l'erreur, je m'y enfonce. Si j'avais à récrire le roman, je modifierais sans doute quelques passages, mais je ne toucherais pas aux dernières pages". On lui en est reconnaissant.
https://www.lexpress.fr/culture/livre/goncourt-oublies-3-ernest-perochon-1920_1120033.html
Date de dernière mise à jour : 31/12/2022