Quatre frères Moinet sur le front 1914-1918
Les quatre frères Moinet qui ont été mobilisés en 1914 avaient 41 ans pour le plus âgé et 26 ans pour le plus jeune. Les deux aînés sont morts en Octobre 1918,un mois avant l’armistice
Pierre notre grand père fut blessé au mois d’Aout 1914 à Guise dans la Somme
Ce texte rappelle le contexte de leur vie et de leur départ au front en 1914. Les cartes postales et les photos envoyées à leurs deux tantes ne comportent pas des nouvelles autres que celles sur leur santé, leurs permissions, leurs attentes. Mais au travers de leur lecture on devine leur besoin constant de rassurer leurs parents et leurs tantes et on perçoit toujours l’angoisse permanente de ne jamais les retrouver.
Les quatres frères mobilisés en 1914.
1 Gustave Amédée l’aîné est né le 26 mars 1873 au Péré de St Christophe (Gué de Virson).Il avait 41 ans en 1914
2 Omer Jules Moinet né le 15 mars 1875 au Péré de St Christophe avait 39 ans en 1914.
3 Auguste Edmond Moinet né à Virson(Tesson) le 21 décembre 1882 avait 32 ans en 1914
4 Pierre Moinet né à Virson(Tesson) le 14 Juillet 1888 avait 26 ans en 1914.Il venait de terminer son service militaire à Libourne où il avait passé trois ans.
Jean Moinet et sa famille s’installent à Tesson en 1876
On ne peut parler de ces quatre frères partis sur le front et de leur longue absence pendant quatre ans sans évoquer leurs parents restés seuls sur cette grande ferme de plus de 50 hectares située à Tesson en Charente Inférieure(devenue Charente Maritime).C’est à Tesson que leurs parents se sont installés comme fermiers vers 1876 après avoir vécu quelques années au Péré de St Christophe (Gué de Virson) .C’est au Péré que Gustave Amédée leur premier fils est né en 1873 un an après leur mariage à Virson qui est la commune où habitait Adeline.
Leur père ,Jean Moinet et ses quatre premiers frères et sœurs sont nés à Nieul sur mer .
Les deux derniers frères de Jean sont nés à l’Houmeau. Ces deux villages sont proches de la Rochelle. Leurs parents étaient d’Andilly les Marais qui est à quelques kilomètres de Nieul sur Mer.(voir note sur les parents de Jean Moinet en bas de page).
On peut supposer qu’à l’âge de 25 ans , Jean a décidé de quitter Nieul sur Mer vers 1870 suite à la crise du phylloxéra qui a détruit tout le vignoble de l’Aunis. Jean est arrivé au Péré de Saint Christophe comme laboureur à bras (peut être dans la famille Audry du Gué de Virson qui possédait un vignoble important et des marais).
Après trois ans passés au Péré de Saint Christophe (lieu où il y avait un passage à gué sur le ruisseau le Virson d’où le nom Gué de Virson utilisé parfois dans les actes de naissance) Jean et sa famille sont venus cultiver les terres de la seigneurie de Tesson.
En 1876,le propriétaire de l’ancienne seigneurie de Tesson était Jules Boisdon qui en avait hérité de son père Louis Mathurin Honoré Boisdon tonnelier à la Rochelle.(actes notariés de 1855 et 1876 Tesson).Cette seigneurie qui n’avait pas de juridiction et qui relevait de St Christophe appartint jadis à Claude Furgon qui fut maire de La Rochelle en 1524 et 1553.
Cette terre fut jusqu’en 1920 la propriété de Jules Boisdon.
A leur arrivée à Tesson en 1876, Gustave Amédée l’aîné avait 3 ans et Omer 1 an. Leur grand père Jean Etienne qui était veuf depuis 14 ans avait 60 ans en 1876. En 1877,il est probablement décédé chez son fils Jean à Tesson.
Le départ des quatre fils en 1914
On imagine mal comment Jean et Adeline son épouse ont vécu le départ de leur quatre fils au cœur de l’été 1914.La moisson était elle terminée ? Qui a fait le battage du blé ?Comment ont-ils rejoint le lieu fixé par « le papier » que les gendarmes leur ont apporté ?Qui les a emmenés à la caserne de la Rochelle ?Ont ils pris le train à la gare d’Aigrefeuille-le Thou ? Sont ils partis à pied?
En 1914,le père Jean Étienne MOINET né le 24 octobre 1845 avait alors 69 ans et son épouse Adeline Harmantine LANDRET née le 1er avril 1848 avait 66 ans.
Comment les parents de ces quatre frères, usés par le travail ont-ils fait pour continuer à vivre, à travailler un si vaste domaine sans leurs quatre fils en pleine force de l’âge? Qui va s’occuper des cinq paires de bœufs et des quatre chevaux ? Sans électricité, sans eau courante et bien sûr sans Radio TSF et sans téléphone. Qui est venu les aider en l’absence de leurs fils partis à la fin des moissons de l’été 1914?
Avant leur départ en Août 1914,ils étaient huit à vivre ensemble dans la grande maison de Tesson. Quand les quatre fils sont partis en Août 1914 Jean est resté avec sa femme et avec sa belle fille Rose qui avait deux filles. Cinq personnes qui dînent chaque soir en silence sur la grande table éclairée par une lampe à pétrole à la flamme vacillante.
Et ces chouettes qui poussent leurs cris dès que la nuit tombe et qu’elles partent en chasse. Tiens le chien qui aboit. Y a-t-il quelqu’un qui vient nous voir à cette heure ?Ah non ,c’est Guignard qui était dans ses champs de Virson. Il a du diner chez sa mère. Avec ses chevaux il rentre chez lui à la Martinière. Les poils des pattes de ses chevaux sont trempées. Jean murmure « Ah oui c’’est vrai que j’ai enlevé les planches sur le déversoir et que l’eau a monté dans le passage à gué sur le Virson».Rose regarde par la fenêtre et aperçoit une autre charrette qui traverse le passage à gué que l’on voit à 200 mètres devant la maison. Cette fois c’est Pierre Gaborit qui revient de chez son frère Ulysse qui habite à Villeneuve. Rose le salue d’un signe de la main et revient s’asseoir à la table.
On ne peut pas parler de ces quatre fils de paysans sans penser aussi à leur sœur Hélène née en 1880 qui avait alors 34 ans en 1914. Mariée à Arthur Decourt en mai 1909 elle avait alors quitté Tesson après son mariage et habitait à la Martinière à deux kilomètres de ses parents.
Les quatres fils ont été mobilisés lors de la première guerre mondiale.
1-1873 Gustave Amédée l’aîné est né le 26 mars 1873 au Gué commune de Saint Christophe en 1873. Il est décédé à l’âge de 45 ans de la grippe espagnole le 17 Octobre 1918.(sépulture à Vérines).La date inscrite sur le monument aux morts qui est dans le cimetière à Vérines est différente :17 Octobre 1917.
Gustave Amédée Moinet l’aîné s’est marié avec Léonide Pubert de Fontpatour .Il a probablement quitté Tesson après son mariage vers 1900.
Leur fils Marcel(appelé Pierre en famille) est né en 1904 et leur fille Marguerite née en 1909 est décédée dans sa septième année le 4 mars 1916.Elle repose avec ses parents à Vérines. Marcel Pierre Moinet repose au cimetière de Saint Rogatien le village natal de son épouse Simiane Jouinot.Tous les descendants des Moinet furent invités à leur mariage à Saint Rogatien en 1927. Marcel Pierre Moinet est le père de Josy Moinet maire de Saint-Rogatien durant 48 ans et sénateur.
2-1875 Omer Jules Moinet est né le 15 mars 1875 au Péré de St Christophe. Omer est décédé le 13 octobre 1918 à Kattowitz en Silésie (Pologne).Prisonnier de guerre , sa fiche lue sur Mémoire des hommes mentionne qu’il est mort de pneumonie à l'âge de 43 ans. Son corps n’a pas été ramené en France. Omer était au 209ème Régiment Territorial d'Infanterie
Un document trouvé dans une liste de prisonniers de la première guerre à Gießen (Liste de prisonniers du 20 juillet 1918 à Giessen ville située au nord de Francfort en Allemagne) mentionne :Omer Moinet « Tesson » Charente Inférieure.
Mention étonnante car Tesson n’est pas une commune mais un hameau à cheval sur la commune de Virson et celle de Saint Christophe.
Omer s’est marié à l’âge de 28 ans le 28 septembre 1903 à Saint Xandre avec Rose TEXIER 1872-1951.
Madeleine leur fille aînée est née à Tesson en 1907.(Magdelaine Émilienne Hélène MOINET 1907-1988) et sa sœur Yvonne deux ans plus tard en 1909.Madeleine avait 5 ans en 1914 quand son père est parti sur le front.
Omer Moinet avait 39 ans en 1914. Depuis 1903 date de son mariage Omer et Rose vivaient et travaillaient dans la ferme des Boisdon à Tesson où toute la famille de Jean et Adeline s’était installée en 1876.
Rose veuve d’Omer et ses deux filles Madeleine et Yvonne sont sans doute restés à Tesson jusqu’en 1919 date à laquelle toute la famille s’est installée à Virson : Pierre au milieu du bourg et Auguste dans une autre maison toute proche qu’on appelle la « maison à Massonneau ».
3-1878 Marie Berthe Moinet est née le 4 juillet 1878 à Virson. Marie qui avait 10 ans à la naissance de Pierre en 1888 s’est beaucoup occupée de lui et mon grand père m’en parlait toujours avec beaucoup d’émotion. Elle est décédée à l’âge de 19 ans le 14 mars 1899.
4-1880 Eugènie Hélène Moinet est née le 5 avril 1880 à Virson,.Mariée avec Arthur Decourt en Mai 1909 elle est décédée en 1957.Son mariage fut un grand mariage qui a réuni tous les Moinet et les Decourt.
5-1882 Auguste Edmond Moinet est né le 21 décembre 1882 à Virson. De Salonique où son régiment est intervenu dans le détroit des Dardanelles il est revenu avec une santé fragilisée. Il posséda une des premières voitures qui circulaient à Virson.
Auguste s’est marié le 8 janvier 1921 à Nuaillé d'Aunis avec Geneviève Rapidy
En 1921 la famille s’est installée à Virson. Dans le bourg Auguste et Geneviève ont habité la « maison à Massonneau ». C’est dans cette maison que leur fille Marguerite est née en 1921 (17 Octobre 1921).Leur fils Jacques Moinet est né en 1923. Michel, leur troisième enfant est décédé le 3 octobre 1924 à l’âge de sept mois. Auguste et sa famille se sont installés ensuite au Moulin de la Grève.
6-1888 Pierre Moinet notre grand père est le dernier enfant de cette fratrie de six enfants qui comptait quatre fils et deux filles. Pierre est né à Virson(Tesson) le 14 Juillet 1888. Il me racontait en riant qu’on l’appelait « Pierre de trop ».Sa mère Adeline née en 1848 avait 40 ans quand il est né. Gustave Amédée le premier enfant d’Adeline est né le 26 mars 1873 et avait quinze ans lorsque son petit frère Pierre a vu le jour.
En Août 1914, Pierre a été touché par une balle au mollet de sa jambe droite. Sa compagnie affrontait une compagnie allemande et le combat avait lieu dans un champ de betteraves à Guise dans la Somme. Lorsque les brancardiers sont venus chercher les blessés ils ne l’ont pas vu ou bien il fut considéré comme mort. Il a appelé et fut enfin repéré par les brancardiers qui l’ont transporté vers l‘arrière. Il a souffert toute sa vie de cette blessure qui avait déclenché un eczéma qu’il soignait chaque jour avec une pommade blanche qu’il passait sur son mollet. Quand nous étions chez lui lors de ses soins il nous montrait la marque du trou que la balle avait laissé dans son mollet. Toute sa vie il a dormi avec une petite lumière au chevet de son lit car à son retour du front il ne pouvait plus supporter le noir total. C’est aussi la raison pour laquelle il n’est jamais allé au cinéma.
Pierre et Pauline se sont mariés le 2 Septembre 1918.Le repas de mariage eut lieu à Tesson dans un bâtiment qui était en bordure du bief à côté de la roue du moulin qui appartenait à la famille Boisdon. Ce petit bâtiment fut démoli vers 1965.
Pierre était en uniforme sur la photo de mariage et n’a été démobilisé qu’au début de l’année 1919.Notre grand-mère Pauline qui nous disait souvent « J’ai attendu huit ans votre grand père».
Il s’est éteint à Virson le 16 Décembre 1982 à l’âge de 94 ans.
Dans une des cartes qu’il a écrit à sa tante Marie Pavergne à Frace Pierre Moinet parle de sa convalescence et il écrit
Chère tante
Je t’envoie ces quelques mots pour te donner de mes nouvelles qui sont assez bonnes pour l’instant. Je boite toujours un peu ce qui n’empêche pas que l’on parle de me renvoyer bientôt là bas .Sans doute au commencement du mois prochain mais j’irai faire un tour à Tesson avant de repartir voir les boches.
Sept jours de permission pour ceux qui n’ont pas eu de convalescence et je suis du nombre.
Rien de plus, bonjour à tous les amis? Ton neveu qui t'embrasse
Texte entouré sur la carte.
« Tu sais que l'autre jour j'ai eu une visite qui ne m'a pas fait déplaisir, je n'ai pas trouvé le temps long". Il s’agissait peut être de la visite de Pauline Jacquet qu’il connaissait depuis longtemps puisqu’elle habitait dans une des maisons du hameau de Tesson où ses ancêtres Morin se sont installés en 1794. Francois Morin né à Sansais le 22 Novembre 1755 dans les Deux Sèvres est arrivé à St Christophe suite à son mariage avec Louise SIMOT le 7 mai 1794 à St Christophe.
La photo au recto de cette carte postée de l’hôpital de la Rochelle où il fut soigné le montre en compagnie de trois soldats dont son copain Emile Ancelin d’Aigrefeuille né un jour avant lui le Vendredi 13 Juillet 1888.Pierre est le deuxième à partir de la gauche. Emile Ancelin est sur la droite.Le troisième soldat qui a des belles moustaches est peut être Clovis Pitard de St Georges de Cubillac qui s’appelle maintenant St Georges d’Antignac.
Selon une carte postale de 1912 trouvée à Virson, Pierre Moinet et Clovis Pitard né le 11 Août 1888 ont fait leur service militaire ensemble à Libourne. Clovis annonce qu’il arrivera à la gare d’Aigrefeuille le jour de la Pentecôte.
Le Maine 23 Mai 1912
Cher Pierre
Je viens te prévenir que pour aller te voir je prends le premier train le jour de la Pentecôte et qui arrive à 10 heures 35 à Aigrefeuille. Rien de plus pour le moment. Une bonne poignée de main en attendant dimanche. Clovis Pitard
La carte postale représente Notre dame des champs à Mosnac sur Seugne.Le timbre de l’enveloppe qui comportait l’adresse de Pierre Moinet a été collé sur la photo.
Carte postale de Clovis Pitard à Pierre Moinet 23 Mai 1912
Mon grand père m’ayant souvent parlé de son copain Clovis Pitard qui vivait à St Georges de Cubillac j’ai décidé un jour d’aller le voir. J’étais alors au Lycée Agricole George Desclaude à Saintes. En juin 1963 je suis parti en mobylette sur la route de Pons. J’ai fini par retrouver leur ferme et j’ai passé un après midi avec la famille de Clovis. L’accueil chaleureux qui m’a été fait en ce bel été 1963 fut suivi par des visites de nos parents lors des vendanges et elles se poursuivent à ce jour.
Clovis est venu à Virson quelques mois plus tard. Lorsqu’ils se sont retrouvés en Septembre 1963 à Virson après 45 années, je pensais qu’ils s’étaient connus sur le front mais la découverte de cette carte de 1912 montre que leur amitié date de leur service militaire. Clovis est décédé le 21 Mai 1971.
Parents et grands parents des quatre frères Moinet
Les parents de cette fratrie sont Jean Étienne MOINET né le 24 octobre 1845 à Nieul sur Mer et Adeline Harmantine LANDRET née le 1er avril 1848 au Moulin de la Grève commune de Virson.
Leurs grands parents sont Jean Étienne MOINET né le 6 juin 1816 à Andilly. Jean Etienne est décédé à l’âge de 60 ans le 26 mai 1877 à Virson. Il avait 46 ans lors de la naissance de son dernier fils François Étienne en 1862.Son fils aîné Jean né en 1845 avait alors 32 ans quand son père Jean Etienne est décédé.
Jean Etienne s’est marié le 13 janvier 1845 à Louise BOISDET .Louise Boisdet est née le 1er décembre 1820 à Nieul sur Mer, près de La Rochelle en Charente Maritime.
Louise est décédée à l’âge de 42 ans le 13 novembre 1862 dans le village appelé Le Godinet commune d’Aigrefeuille. Elle venait de mettre au monde son dernier fils François Étienne MOINET né le 11 janvier 1862 à l’Houmeau. Jean son fils ainé avait alors 17 ans.
Jean Etienne et Louise Boisdet ont eu sept enfants dont deux sont morts en bas âge.Pierre Étienne MOINET 1849-1850 et Marie Anne Louise MOINET 1851-1853
Publié le 18 Janvier 2014
Fin
Le texte ci dessus a été publié sur Europeana en 2016
Date de dernière mise à jour : 05/03/2021