L’hommage du photographe Raymond Depardon aux paysans
Dans Rural, son dernier livre, le photographe et réalisateur Raymond Depardon nous emmène à la rencontre des paysans de moyenne montagne qu’il a photographiés de 1993 au début des années 2000. Magnifique.
Fils de paysans
Des dizaines d’ouvrages qu’il a publiés, Rural est l’un des plus importants pour Raymond Depardon. Mais paradoxalement, pour le fils de paysans, ce travail sur la ruralité ne s’est pas imposé immédiatement.
C’est pourtant dans la ferme familiale du Garet, à Villefranche-sur-Saône, dans le Rhône, qu’il s’initie à la photo, avant de devenir apprenti chez un artisan photographe du coin, puis de monter à Paris à 16 ans. À force de persévérance il devient reporter et sillonnera le monde : Algérie, Vietnam, Afrique, Moyen-Orient, Europe centrale, Amérique du Sud, États-Unis, Afghanistan… Raymond Depardon, l’un des maîtres du reportage photographique, également réalisateur de très grands documentaires (Faits divers, Reporters, Giscard en campagne, San Clemente…) a été, avec Gilles Caron et Hubert Henrotte, l’un des fondateurs de Gamma, l’une des plus grandes agences photo mondiales, avant de rejoindre la prestigieuse agence Magnum.
De New York à la ferme du Garet
Lorsqu’il est intégré à Magnum, ses pairs saluent son travail sur les événements internationaux, mais est-ce que Raymond a fait des photos au coin de sa rue
s’interrogent-ils ? Non, Raymond Depardon enchaînait les reportages sur tous les continents dans le but de satisfaire les besoins des journaux. C’est à l’occasion de «correspondance new-yorkaise », en 1981, que le photographe commence à faire des images pour lui en ayant carte blanche pour une série d’instantanés de rue depuis New York que publie le quotidien Libération. Il se dit alors que ce serait bien de retourner sur les lieux de son enfance, au Garet, photographier ses parents dont il a fait très peu d’images. Et puis il repart en Afrique et vers d’autres destinations. Et ses parents décèdent avant qu’il ait pu mettre son projet à exécution. Ainsi, seule une photo de son père, Antoine, saisie en 1972, ouvre Rural.
Sur les routes de Lozère, Ardèche, Haute-Loire…
Ce n’est que dans les années 90, à 50 ans, que Raymond Depardon se lance enfin dans un travail photographique au long cours sur la France rurale, avec l’idée de faire aussi un film. J’ai acheté un vieux camion autrichien, un six roues motrices, équipé pour dormir dans le désert et j’ai pris le volant, seul.
?Il choisit de s’intéresser plutôt aux paysans de moyenne montagne. Il parcourt des milliers de kilomètres sur les routes sinueuses de Dordogne, Lozère, Ardèche, Haute-Loire, de l’arrière-pays de l’Hérault… Des terres rudes.
Se faire accepter
Introduit dans les fermes par le maire, le facteur ou des voisins, parce qu’on ne surgit pas comme ça dans la vie des gens, il prend le temps de faire connaissance, de se faire accepter. Il n’a pas d’équipement photographique lourd, juste un appareil, mais de format 6x9, idéal pour photographier, en noir et blanc, à hauteur d’homme, dans leur cadre de vie et avec profondeur de champ maximale, les paysans qu’il rencontrera ainsi que les paysages de ces montagnes façonnées par le vent. Il prend le café et mange parfois avec ses hôtes dans les cuisines rustiques et dort dans son camion garé dans la cour de la ferme.
« Des sages, des héros »
Il les photographie un peu au travail, avec leurs animaux, mais surtout dans leurs moments de tranquillité. Il éprouve très vite une profonde admiration pour ces paysans.
Loin de l’agriculture intensive, à des années-lumière de la culture du « tout jetable », ces hommes et ces femmes qui persistaient à cultiver des territoires désolés, étaient des sages, des philosophes, des héros, en avance sur l’indispensable décroissance à venir. Ils me posaient beaucoup de questions sur ma vie, m’observaient, me testaient, et une harmonie s’installait entre nous. Je ne devais pas la rompre
?écrit le photographe dans la très belle préface du livre.
« On est content de vous revoir »
Cette confiance et cette sérénité se ressentent à la lecture des images. Au cours de ces années, Raymond Depardon, alterne d’autres travaux, des retours à Paris, des voyages. Et au fil des saisons il revient dans ces fermes. Un jour un paysan m’a dit : on est content de vous revoir. J’ai su alors que je pouvais me lancer dans les documentaires que je voulais réaliser
?. Il en fera trois, avec, comme beaucoup d’autres de ses films, son épouse, la réalisatrice et productrice Claudine Nougaret. Même méthode que pour la photo : une simple caméra, pas d’éclairages, pas d’équipe. L’approche, Profils paysans et La vie moderne sortent entre 2001 et 2008.
Témoignage et hommage
En 2019, Raymond Depardon parle avec la Fondation Cartier de toutes ces photos prises durant cette période dans les fermes de Lozère, et des départements voisins. Il les a archivées sous l’intitulé « rural ». L’idée de leur offrir un écrin et d’en faire un beau livre s’impose immédiatement. Comme le titre. Le choix du grand format, le parti pris de tirages pleine page systématiques, la qualité d’impression font de cet ouvrage un magnifique objet d’édition. D’ailleurs salué il y a quelques semaines par le prix « Les perles du beau livre ». Il a surtout valeur de témoignage et rend un hommage à ces paysans de moyenne montagne, dans lequel des paysans d’autres régions françaises, et des urbains, se reconnaîtront également, ou reverront leurs parents ou grands-parents. Parce qu’au fond, nous sommes tous des ruraux. Un livre précieux aussi dans une année où le pays n’a pas braqué comme de coutume ses projecteurs et caméras sur le Salon de l’agriculture, annulé en raison du Covid.
Ce travail est probablement l’une des plus belles expériences de ma vie ?affirme aujourd’hui l’enfant de la ferme du Garet.
Rural, Raymond Depardon, Éditions Fondation Cartier pour l’art contemporain, 124 pages, 45 €.
Raymond Depardon présente son nouveau livre," Rural"
Dans ce premier épisode d’une nouvelle série de conversations consacrées aux publications de la Fondation Cartier, Raymond Depardon évoquera son nouveau livre avec Clément Chéroux, conservateur en chef de la photographie au Museum of Modern Art (MoMA) de New York, et Pauline Vermare, directrice culturelle de Magnum Photos à New York.Un moment privilégié au cours duquel Raymond Depardon présente son nouveau livre de photographies, « Rural »
Fondation Cartier pour l'art contemporain
" En marge de la société officielle, j'ai fait une photographie de la France"
Le réalisateur nous parle de son film "12 jours" présenté en sélection officielle au festival de Cannes 2017. Le documentaire s'arrête sur ce moment de bascule où le juge vérifie la procédure médicale visant à maintenir une personne, au delà de 12 jours, en hôpital psychiatrique.
Russie la vie d'un village de la Volga
La vie quotidienne dans un village situé au bord de la volga ,un marché ou les paysans vendent leurs produits sur de maigres étalages pour gagner quelques roubles.
Date de dernière mise à jour : 14/01/2023