Théophile Rondinaud
Théophile RONDINAUD
1907
D’un côté de la paisible route Départementale 73, un vaste champ bordé d'arbres, de l'autre, un bâtiment à la façade vieillissante, derrière laquelle se perpétue un savoir-faire ancien : la fabrication de la célèbre charentaise, dans le département qui lui donna son nom.Bienvenue à La Rochefoucauld, en Charente donc, berceau de la Charentaise.A ses débuts, la pantoufle sans pied gauche ni pied droit se glisse dans le sabot pour améliorer le confort, la languette protégeant le cou-de-pied du contact du bois. Les gens de maison au 18ème siècle s’en servent pour entretenir et lustrer les parquets. Baptisées « silencieuses », les valets les utilisaient pour se déplacer sans faire de bruit.
Théophile RONDINAUD, cordonnier à la Rochefoucauld, se lance dans la fabrication de ses confortables chaussons en feutre de laine. Le succès mondial vient avec James RONDINAUD qui a l'idée de les moderniser, de les développer, de les faire connaitre et réussit à les exporter dans le monde entier.
La manufacture connaît son heure de gloire
Dans les années 1970 : quelque 1 300 personnes y travaillent. RONDINAUD tient le premier rang sur le marché de la pantoufle, ces pantoufles que tout le monde désormais appelle des « charentaises ». Une prospérité mise à mal par l'arrivée sur le marché de la concurrence chinoise.
En février 2018
Un premier dépôt de bilan entraîné sa fusion avec trois autres PME du secteur, aussi mal en point qu’elle, sous l’appellation de Manufacture charentaise. Une deuxième faillite, dix-huit mois plus tard, les 104 derniers salariés de l’entreprise sont licenciés.
La Manufacture charentaise va fermer ses portes
Les ventes de charentaises explosent depuis deux semaines. Les célèbres pantoufles de feutre seraient-elles redevenues tendance? Pas vraiment. Cette ruée sur les derniers stocks disponibles est liée à la liquidation judiciaire de La Manufacture charentaise (LMC), prononcée le 15 novembre 2018 par le tribunal de commerce d'Angoulême (Charente). Ce jour-là, les juges ont écarté l'unique offre de reprise et mis un terme à au naufrage industriel. Fin novembre, 104 salariés, majoritairement des femmes et tous âgés de 45 à 55 ans, ont reçu leur lettre de licenciement.
« LMC, pour nous, c'était un nouveau départ. Les actionnaires nous ont vendu du rêve », résument Christine et Thierry Dessimoulie, 50 et 47 ans, l'un des trois couples que comptait l'entreprise. Voilà 25 ans que ces Charentais confectionnent des pantoufles. Pour intégrer LMC, ces anciens locataires ont même déménagé et acheté une maison proche des nouveaux ateliers. « On était heureux. Ils nous ont pris pour des imbéciles », confient-ils, amers.
Des charentaises tricolores pour Edouard Philippe
L'aventure, pourtant, avait tout pour séduire. Au printemps 2018, quatre sociétés emblématiques du secteur − Rondinaud, Laubuge, Degorce et Ferrand, toutes en péril – étaient regroupées dans un « pôle chaussant » avec l'ambition de « sauver un patrimoine unique », de monter en gamme et de briller à l'international.
La Manufacture charentaise s'installe alors dans le village de Rivières, berceau historique de la marque Rondinaud et de la mythique charentaise à motif écossais imaginée en 1907. Un prêt gratuit de 500 000 euros est accordé par la région Nouvelle-Aquitaine à ses quatre actionnaires. Parmi eux : Renaud Dutreil, ancien ministre des PME sous Jacques Chirac reconverti dans les affaires, et Stéphane Baleston alors présenté comme un fin spécialiste de la restructuration d'entreprise.
L'ambiance, au beau fixe, se voit confortée en mars 2019 par l'obtention d'une indication géographique protégée (IGP), un label inédit dans le secteur de l'habillement et de la chaussure. En mai, le Premier ministre Edouard Philippe vient même saluer « le leader mondial de la charentaise » et se voit offrir une paire de pantoufles tricolores.
Comptes exsangues et « querelles d'associés »
Trois semaines plus tard, c'est la douche froide. Les salariés découvrent des comptes exsangues et « les querelles d'associés » qui minent déjà LMC.
Pour monter en gamme, La Manufacture charentaise a immédiatement augmenté les marges appliquées à la grande distribution. Résultat : les commandes chutent en quelques mois, la dette se chiffre rapidement en millions d'euros. « Forcément, ça n'a pas marché… La grande distribution nous permettait de faire du volume et d'avoir une trésorerie », explique Florence Rebeyrol, couturière et déléguée syndicale Force ouvrière. « C'était un mauvais choix, les débouchés ont fondu. Mais la grande distribution a cessé depuis longtemps d'acheter du made in France », se défend Renaud Dutreil.
Actionnaire non majoritaire d'abord éloigné de la gestion quotidienne de l'entreprise, l'homme d'affaires affirme n'avoir « jamais touché un euro de LMC » et pointe l'entière responsabilité de Stéphane Baleston, l'ancien directeur général, qui n'a pas donné suite à nos sollicitations. Il démissionne en avril dernier. Médusés, les salariés découvrent alors ses émoluments : 14 500 euros par mois virés aux Seychelles, sur le compte d'une société offshore. « Ces deux actionnaires sont responsables au même titre, estime Florence Rebeyrol. Ils auraient pu redresser et sauver la boîte, on s'est retrouvés seuls. »
Du « made in Charente » produit… au Maroc
« On était livrés à nous-mêmes, confirment Christine et Thierry Dessimoulie. A la fin, on ne savait même plus pourquoi on venait travailler. Beaucoup de gens pleuraient. » Surtout que la promesse du « made in Charente » s'apparente en réalité à un mirage. Une partie de la production continue à être sous-traitée… au Maroc. « Jusqu'à 60 % certains mois, avec une partie de notre matériel. Nous, on regardait les camions partir et on se tournait les pouces. Puis ça revenait. On n'avait plus qu'à mettre la semelle, à assurer l'étiquetage et la mise en boîte », racontent les couturiers.
« Notre plan était de rapatrier au maximum la production en France, ce qui a été fait lorsque j'ai repris la direction de l'entreprise après la démission de Stéphane Baleston », affirme Renaud Dutreil. La majorité des 104 salariés de LMC a, elle, intégré une « cellule de reclassement » cette semaine. « On n'a pas fait de CV depuis si longtemps, sourient Christine et Thierry Dessimoulie. Mais on va se battre. »
Liquidation judiciaire de La Manufacture Charentaise (LMC)
AFP-Lundi 18 novembre 2019
Angoulême - La Charente ne fabriquera plus de charentaises : le tribunal de commerce d'Angoulême a prononcé vendredi la liquidation judiciaire de La Manufacture Charentaise (LMC) à Rivières, dernière entreprise spécialisée du département dont les 104 salariés, experts dans l'art du «?cousu-retourné?», restent sur le carreau
Placée en redressement judiciaire le 25 juillet dernier, l'entreprise n'avait fait l'objet que d'une seule offre de reprise, que le tribunal a rejetée. Elle ne proposait que le maintien de 38 emplois.
La liquidation a été prononcée «?avec effet immédiat?», a précisé à l'AFP Henri Lalouette, dirigeant départemental du syndicat FO qui suivait le dossier. Il a dénoncé la «?gabegie, l'incompétence et la négligence?» des dirigeants qui ont conduit à cette faillite.
En savoir plus :Non, les charentaises de Charente ne sont pas mortes et enterrées !
Les salariés qui «?vont recevoir leur lettre de licenciement dans les quinze jours, qui sont mis à la porte sans solution, payent les inconséquences de l'équipe dirigeante?», a-t-il accusé. Il a ensuite lancé un appel pour qu'un groupe ou mécène «?ne laisse pas tomber ce savoir-faire. On est dans quelque chose de patrimonial?».
Présidée par Renaud Dutreil, ex-ministre du gouvernement Raffarin, qui détient la moitié des parts, LMC est le fruit du regroupement en 2018 de quatre fabricants, déjà mal en point, des célèbres chaussons charentais. Dans une lettre ouverte aux salariés vendredi, M. Dutreil a regretté cette «?triste issue?», en assurant les salariés de son soutien pour l'accompagnement à venir.
«?De mauvais choix?»
Son projet il y a un an était «?un bon plan?», a-t-il plaidé. Mais il a souligné la responsabilité d'un directeur général, depuis démissionnaire, qui a «?engagé l'entreprise sur la mauvaise pente et compromis notre projet commun?». Même si «?la tâche était difficile?», a-t-il concédé.
Selon une source proche du dossier, la société a subi en un an une forte baisse de son chiffre d'affaires - de 13 millions d'euros pour les quatre entreprises en 2018 à 7 millions - passant d'un résultat net positif de 1,3 ME à une perte de près de 700?000 euros en quelques mois.
Des problèmes de gouvernance, avec une direction en conflit interne, ainsi que des «?mauvais choix de commercialisation?», notamment en abandonnant trop rapidement ses ventes traditionnelles en grande surface pour se tourner vers le haut de gamme, expliquent notamment la dégringolade de l'entreprise, selon la même source.
LMC avait obtenu il y a moins d'un an un label qui garantit son savoir-faire, une «?indication géographique?» délivrée le 25 mars par l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Ce label de la «?charentaise de Charente-Périgord?» est également détenu par l'entreprise Fargeot, qui fabrique toujours des charentaises, mais en Dordogne voisine.
Née à la fin du XIXe siècle, la charentaise est issue des rebuts de fabrication des industries textiles et papetières situées sur le fleuve Charente. Les savetiers locaux ont eu l'idée de récupérer les feutres qui servaient au pressage, pour en faire des chaussons. Ils étaient dotés d'une languette caractéristique, qui protégeait le pied du sabot de bois, et de la technique très particulière du «?cousu-retourné?» (semelle cousue et montée à l'envers, puis retournée).(AFP)
Non, les charentaises de Charente ne sont pas mortes et enterrées !
Herve Dewintre
Dimanche 17 novembre 2019
La douillette et confortable charentaise est un monument du patrimoine français ou plutôt de l’Histoire de France avec laquelle elle se confond. Sa double origine, contrairement à ce que sa moelleuse commodité pourrait laisser supposer, est à la fois militaire et papetière.
Dans les deux cas, elle est née au XVIIe siècle, en Charente.
Sa composition originelle provient des rebuts de feutres utilisés pour la fabrication des pèlerines de la Marine Royale. L'Administration Royale, à la suite de la fortification de la ville de Rochefort par Colbert, se tourna en effet vers Angoulême et ses moulins à eau pour fouler la laine et fabriquer du feutre : les cordonniers-savetiers de la commune et de la région profitèrent des nombreuses chutes pour confectionner ces chaussons sans tige, différents de la babouche et de la pantoufle par leur composition. Comme la Charente était également une terre propice à l'industrie du papier, les cordonniers-savetiers firent également entrés dans la composition de ces chaussons des rebuts de feutres de papeterie.
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L’engouement fut rapide, ces chaussons furent prénommés, on comprend pourquoi, les silencieuses. On les glissait dans les sabots (une languette caractéristique offrait une zone de protection entre le pied et le bois), on les utilisait pour cirer les parquets. Certains historiens affirment qu’on les prénommait ainsi parce qu’elles étaient portés par les valets lorsqu’ils voulaient entrer dans la chambre de leur maître sans faire de bruit. Les bijoutiers également en faisaient grand usage, les portant dans leur atelier puis les incinérant après usage pour en retirer les particules de métaux égarées. Ces chaussons étaient de couleur noire, sans pied droit ni pied gauche pour en faire durer l’usage. Le dessus était en laine, la semelle était en feutre.
Les charentaises telles qu’on les connaît ont une origine plutôt récente. Elles sont apparus au début du siècle dernier, en 1907 précisément lorsque le docteur Jeva, en inventant le collage du feutre, créa des pantoufles aux couleurs vives et aux décors de type écossais. Son usine située à Chasseneuil-sur Bonnieure, à quelques kilomètres de La Rochefoucauld fut le point de départ d’un succès considérable. L'industriel Théophile Rondinaud capitalisa avec bonheur sur cette invention qu'il envoya aux quatre coins du globe. Ces charentaises contemporaines sont, comme les silencieuses d'antan, en feutre. Elles nécessitent pour leur fabrication la technique du « cousu-retourné » : la semelle cousue est montée à l'envers, puis retournée.
D’origine militaire et paysanne, la charentaise, comme la pantoufle, est devenue l'attribut d'une vie casanière, d'une tranquillité souvent moquée. Sa connotation bourgeoise explique-t-elle les difficultés que les entreprises spécialisées connaissent actuellement en Charente ? Pas nécessairement, le problème n'est pas lié à la demande -celle ci reste importante – ni au désamour des consommateurs. Dans le cas de la pantoufle, les fabricants français ont affronté à leur détriment la concurrence chinoise : fondée en 1795, la plus ancienne fabrique de chaussons et de pantoufles de France en laine foulée, les Établissements Amos, installés à Wasselonne en Alsace, a déposé son bilan en 1987.
Dans le cas de la charentaise, le problème est venu du positionnement choisi par les nouveaux dirigeants des manufactures historiques. Le cas de la Manufacture Charentaise (LCM) à Rivières – dont le tribunal de commerce d'Angoulême « à effet immédiat » a prononcé la liquidation judiciaire ce vendredi - en est le désolant exemple. Présidée par Renaud Dutreil, ex ministre du gouvernement Raffarin et soutien de la première heure d'Emmanuel Macron, LMC est le fruit du regroupement en 2018 de quatre fabricants, déjà mal en point, des chaussons charentais. Parmi ces quatre fabricants figuraient précisement la société créée par Théophile Rondinaud en 1907 : cette société, à son apogée dans les années 70, faisait travailler 1300 employés.
Pourquoi cette liquidation ? Comme pour la pantoufle, la charentaise a subi durement la concurrence chinoise et ses produits à très bas prix. Le cousu-retourné a peu à peu été remplacé dans le panier des consommateurs par le soudé, le vulcanisé, l’injecté de matières synthétiques. Mais cette concurrence n'explique pas seule cette débâcle. En effet, le regroupement des quatre fabricants (Rondinaud, Manufacture Degorce, Ferrand, Laubuge) sous la bannière LCM pouvait s'enorgueillir en 2018 de faire un chiffre d'affaires de 13 millions d'euros avec un résultat net positif de 1,3 millions d’euros. Les 300000 paires confectionnées chaque année étaient, pour la plupart, destinées aux grandes surfaces. C’est alors que la direction incarnée par Stéphane Baleston (démissionnaire au printemps) choisît de suivre une stratégie risquée : le jeunisme. S'ensuivirent des collaborations avec Le Slip Français, Saint James, Princesse Tam.Tam, La Pantoufle à Pépère. Les produits étaient plus cools, ils étaient aussi plus chers. On appelait ça, à l'époque, réaliser une montée vers le haut de gamme.
Un dernier atelier subsiste en Charente, un autre en Dordogne
Le résultat de cette stratégie audacieuse ne se fit pas attendre : en abandonnant trop rapidement les ventes traditionnelles en grande surface, sans que celles ci soient compensées par les ventes de produits plus modernes, LCM subit une chute impressionnante de son chiffre d'affaires : de 13 millions en 2018, celui ci passa à 7 millions cette année, passant par la même occasion d’un résultat net de 1,3 millions à une perte de près de 700 000 euros en quelques mois. Cette dégringolade justifie donc la décision du tribunal de commerce qui met ainsi sur le carreau 104 salariés. Ceux ci vont recevoir leur lettre de licenciement dans les quinze jours. Le tribunal a rendu sa décision ce vendredi vers 16 heures, au lendemain d'un nouveau plan de reprise par l’homme d’affaires Pascal Becker. Ce plan de reprise a été jugé trop fragile financièrement ce qu’a démenti aussitôt l’intéressé dans un communiqué : *"Je peux affirmer avec force que notre plan était solide d'un point de vue industriel et financier, assurant la sauvegarde de 38 emplois"*.
Une salariée commente avec amertume : « nous avons cru aux promesses de Renaud Dutreil et de son associé Stéphane Balestron. Mais ils ne connaissent pas le marché de la chaussure»
Henri Lalouette, dirigeant départemental du syndicat FO qui suit le dossier, dénonce la "gabegie, l'incompétence et la négligence" des dirigeants qui ont conduit à cette faillite. Il lance un appel pour qu’un groupe ou un mécène « ne laisse pas tomber ce savoir-faire ». De son côté, Renaud Dutreil, qui détient la moitié des parts de LMC, a regretté dans une lettre ouverte « cette triste issue » tout en assurant les salariés de son soutien pour l'accompagnement à venir. L'ancien ministre reconnaît par ailleurs humblement dans cette lettre ses nombreuses insuffisances.
Est ce le clap de fin pour la charentaise de Charente? Non. Des charentaises continuent à être produites en France. Par exemple par la société Fargeot, qui est basée à Thiviers. En Dordogne et non en Charente. Mais aussi à Montbron, en Charente donc, par l’atelier DM Productions.
Crée en 1993 par Daniel Moreau, cette société modeste mais saine, qui emploie une main d’œuvre locale qualifiée (25 salariés), tient bon devant la bourrasque chinoise et continue de confectionner 220 paires par jour. Un tiers de la production part à l'exportation, le reste étant dédié aux grandes surfaces et aux enseignes spécialisées. La flamme est fragile mais elle brille toujours.
Louis Ferrand, un homme droit dans la tourmente
Le docteur Louis FERRAND (1917-1991) fut Maire de COULGENS (1944 1947)
Son père Gaston FERRAND fut un pionnier promoteur de la confortable pantoufle "Charentaise"-Louis FERRAND est né à Mansle en 1917. Petit-fils d'agriculteurs, il descend en effet d'une famille de paysans ruralement implantés sur la commune de Saint Mary Il arrivera bambin à Angoulême en 1919 et fréquentera l'école primaire de l'Houmeau (aujourd'hui école élémentaire "Paul Bert", rue Fontaine du Lizier) ; il poursuivra avec facilité des études secondaires au seul lycée public de garçons de la ville (Lycée dit "de Beaulieu", aujourd'hui "Guez de Balzac"). Il y aura entre autres comme compagnon de jeux, aux récréations, le futur journaliste-écrivain Claude Roy, originaire de Gondeville près de Jarnac (4) (5).
Dans l'entre-deux-guerres, le père de Louis est un modeste fabricant-négociant en chaussures ; il deviendra bientôt le manufacturier en vue d'une production qui, aux côtés du cognac et du papier, fera briller l'Angoumois hors de ses frontières.En effet, l'usine de chaussons charentais, dénommée "La Pantoufle d'Angoulême", installée à Soyaux, est devenue célèbre dans l'Hexagone pour sa réclame « Pantoufles du docteur Louis» à la veille de la seconde guerre mondiale. Elle tire évidemment cette dernière appellation contrôlée du prénom du fils (étudiant en médecine) de Gaston FERRAND (1892-1970), fondateur de l'entreprise en 1931. Notons pour les Rupificaldiens une similitude de parcours et d'élévation sociale : Théophile RONDINAUD, père de James, fut un des associés de Gaston FERRAND, pionnier promoteur de la confortable "Charentaise" (6).
Retenons aussi, pour mémoire, que l'instituteur Pierre BODET futur co-fondateur et directeur de La Charente Libre jusqu'en 1960 fut aide-comptable de la Pantoufle FERRAND pendant la dernière guerre, après sa révocation en 1941 par le gouvernement de Vichy (7). Le motif retenu ( comme pour Jean TALBERT) – était l'appartenance à la franc-maçonnerie Charentaise ; ils figuraient sur la même liste noire.
L'entrepreneur Gaston FERRAND serait qualifié aujourd'hui d'atypique, tant il dénote dans le milieu patronal Angoumoisin, fortement maréchaliste à l'époque. Vous avez compris par le fait ci-dessus qu'il a opté, discrètement, à contre-courant, pour la Résistance subtile et active.
Le fils aurait-il influencé la démarche paternelle ? On peut le penser tant le jeune Louis, devenu Girondin en semaine, a surpris très tôt par ses "idées avancées" les jeunes bourgeois du "plateau", qui ont fait leurs humanités à Beaulieu. Il les trouve trop endormis ,,, dans leurs pantoufles ! Il est inscrit en médecine, à la Faculté de Bordeaux, depuis 1935 ; mais parallèlement à ses études prenantes, il s'engage (courageusement, car mineur) avec d'autres étudiants hardis, avec d'autres camarades convaincus de la nécessité de changements radicaux dans la société française. Il luttera alors sur deux fronts jumeaux, le premier à dimension internationale : contre la montée des fascismes et nazisme européens et pour le soutien à la jeune République Espagnole, le second aux contours hexagonaux : l'avènement du Front Populaire en 1936. Il oeuvrera sur ces deux terrains avec l'énergie bouillante de ses 19 ans. Il va sans dire, qu'il vivra plus tard l'Armistice comme une déchirante capitulation et qu'il s'évertuera dès lors à mobiliser son intelligence pour combattre – chaque fois que l'occasion lui en sera offerte – les options Pétainistes de collaboration et d'accompagnement de l'hitlérienne "solution finale".
Une simple anecdote, à la fois amusante et significative de sa détermination, suffit à dépeindre le tempérament du jeune carabin : en 1940, âgé de 23 ans, il défile lors d'une manifestation dans les rues de Bordeaux avec deux gaules... de pêche sur les épaules !! (3). Plus téméraire qu'il n'y paraît !...
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Date de dernière mise à jour : 17/05/2021