Oradour ne répond plus
La mémoire de Camille Senon à l’honneur sur France Inter
Rescapée d’Oradour-sur-Glane, puis syndicaliste invétérée et féministe, l’histoire de Camille Senon est mise en sons dans une série de podcasts diffusée sur France Inter dans l’émission « Des vies françaises »
Au micro de Charlotte Perry et Anne Lhioreau, Camille Senon revient sur les moments fort de sa vie. A 95 ans, cette native d’Oradour-sur-Glane a vécu le massacre de son village mais aussi les luttes sociales. Une mémoire qu’elle partage volontiers.
Oradour ne répond plus
10 Juin 1944, le village d’Oradour-sur-Glane, à une vingtaine de kilomètres de Limoges, est le théâtre de l’un des derniers et des plus sanglants massacres de la Seconde Guerre Mondiale. 642 habitants du bourg sont massacrés par la division SS Das Reich. Camille Senon vient tout juste d’avoir 19 ans et travaille à Limoges. Comme tous les samedis après-midi elle rentre en tramway jusqu’à Oradour-sur-Glane, pour retrouver ses parents qui habitent un hameau voisin.
Les employés du tramway nous ont dit : « Les Allemands sont à Oradour depuis le début de l’après-midi et nous ne savons pas ce qu’il se passe. Oradour ne répond pas. »
Mais au moment d’arriver c’est la stupeur. L’église est en flamme, ainsi que de nombreuses bâtisses du centre-bourg. Le tramway s’arrête. Un SS demande aux voyageurs pour Oradour de descendre. Camille et une vingtaine de personnes sont emmenées dans un champ. Des soldats les surveillent pendant que d’autres creusent un trou.
Camille Senon, les combats d'une vie
Camille Senon, survivante du tramway d'Oradour-sur-Glane à 19 ans, devenue syndicaliste, puis militante féministe, a traversé le siècle, témoin inlassable de l'Histoire, avec ses heures sombres, et des moments plus lumineux, elle nous livre ses souvenirs, une très grande dame, chevalier de la légion d'honneur en 1982, palmes académiques en 2008. Entretien : Marine Guigné, Frédérique Bordes Montage : Xavier Beaudelet Recherches documentaire : Camille Pelissier
Finalement, Camille et les autres seront libérés, hasard du destin. Ils s’enfuient au village le plus proche. Les familles leur demandent des nouvelles de leurs enfants qui étaient à l’école d’Oradour. Ils restent sans réponse.
Nous ne pouvions pas imaginer qu’ils avaient conduit délibérément les femmes et les enfants dans l’église avec l’intention de les tuer, de les brûler. C’était inconcevable.
Puis le lendemain, la peur laisse place à l’horreur. Les habitants des alentours découvrent avec effroi les ruines du village. Camille a beau chercher, il n’y a plus âme qui vive à Oradour-sur-Glane. Il ne lui reste que sa mère, restée dans le hameau voisin. Son père, ses grands-parents, ses cousins, ses oncles et ses tentes ainsi que ses amis d’enfance sont tous morts.
Un cauchemar que Camille Senon raconte inlassablement en faisant visiter les ruines du village. Comme Robert Hébras, rescapé direct du massacre, elle tente de montrer ce que l’idéologie nazie a été capable de perpétrer. Un moyen de lutter contre la résurgence de la xénophobie et de la haine.
Une vie de lutte
Un engagement qui lui vaudra même d’être nommée, par Manuel Valls, commandeur de l’Ordre National du Mérite lors du 75e anniversaire du massacre. Une distinction que Camille déclinera poliment, car fermement opposée aux positions du gouvernement de l’époque, notamment sur la Loi Travail et « la criminalisation du syndicalisme. »
Car au-delà de son engagement pour la mémoire d’Oradour, Camille est avant tout une militante syndicale et féministe. C’est là tout l’objet du second épisode de cette série de podcasts.
Issue d’une famille marquée par la victoire de la gauche en 1936, la jeune femme s’engage très vite à la CGT. Puis elle est nommée aux chèques postaux de Paris, à une époque ou le tractage et les prises de paroles syndicales ne sont pas encore autorisées. Elle deviendra secrétaire générale CGT au sein de cette entreprise.
Des injustices aussi révoltantes, moi ça m’a poussé à m’engager d’avantage.
Face à un encadrement exclusivement masculin Camille se bat pour améliorer les conditions de travail des salariés, et surtout les femmes, très présentes dans l’entreprise, jusqu’à la grande victoire en mai 1968. Les grèves permettent notamment des revalorisations salariales et l’ouverture de garderies.
De la défense du droit des femmes à la lutte contre les guerres d’Indochine et d’Algérie, Camille la militante s’est battue tout au long de sa vie, en gardant toujours le même credo « Justice, Égalité et Fraternité ».
Robert Hébras, le dernier d'Oradour
Robert Hébras, est aujourd'hui le dernier survivant du massacre d'Oradour-sur-Glane du 10 juin 1944. A l'occasion du 75e anniversaire de la tragédie, France 3 Nouvelle-Aquitaine l'a accompagné, une dernière fois, dans les rues du village martyr. Une production •3NoA. Il a 19 ans, presque insouciant. Il va vivre l'horreur mais il va survivre. Ce 10 juin 1944, il n'a pas peur malgré les uniformes. Il n'a pas peur malgré les avertissements de sa mère. Il ignore tout de la guerre. Il n'a pas peur… jusqu'à ce que la mitraillette se mette à tirer, jusqu'à ce que ses camarades tombent sur lui, jusqu'à ce que les flammes gagnent son corps. "Pourquoi je suis en vie ? Je ne sais pas, je ne sais pas…" Robert Hébras est aujourd'hui le dernier des six survivants du massacre commis à Oradour-sur-Glane par les hommes de la Division SS Das Reich. 75 ans après l'indicible et avant que sa voix ne s'éteigne, Robert Hébras a accepté, une ultime fois, de refaire le chemin de sa maison à la place du village, puis de la grange Laudy à la porte qui s'ouvrait sur la liberté et sur la vie. Le 10 juin 1944, Robert Hébras a perdu sa mère et ses deux sœurs, brûlées vives dans l'église. En mémoire des 642 enfants, hommes et femmes victimes de la barbarie, dans ce petit village de Haute-Vienne aujourd'hui figé dans les heures sombres de l'Histoire, Robert Hébras nous livre un témoignage personnel et humain, pour que personne, jamais, n'oublie.
***
Camille Senon refuse la médaille de grade de commandeur dans l'ordre national du mérite du 1er ministre, France 3 Limousin mardi 31 mai 2016 commandeur de l'Ordre national du mérite,
Oradour sur Glane a été détruit pendant la seconde guerre mondiale, le 10 juin 1944. Ce village du Limousin a été le théâtre d'une exécution systématique de la part des Waffen S.S., faisant officiellement 642 victimes. Oradour-sur-Glane a été rayé de la carte, un après-midi de juin, quatre jours après le débarquement en Normandie. Conservé en état de ruine, ce village fantôme reste le témoin d'un crime odieux..
.
***
Oradour-sur-Glane: la préservation du village martyr menacée
Le 10 juin 1944, un régiment SS massacrait la population d'Oradour-sur-Glane, en Haute-Vienne, et brûlait la totalité du village. Mais cette commune symbole de la barbarie nazie s'interroge aujourd'hui: les ruines gardées intactes se détériorent, et la municipalité songe à ne préserver que les lieux symboliques comme l'église et la rue principale. Les survivants et les familles de victimes s'insurgent
Date de dernière mise à jour : 04/03/2021