Environnement
Un Charentais crée des forêts pour le futur
Baptiste Trény a fondé à Niort (79) une entreprise pour mieux planter des arbres. Son idée ? Recréer et sanctuariser des forêts primaires avec l’aide de collectivités et de financements privés. La commune de Landrais (17) a été la première à répondre à l’appel
Sur un terrain communal de 1 hectare situé à Landrais, en Charente-Maritime, Baptiste Trény (à gauche) et Maxime Grelier, fondateur de Permafforest, vont coopérer pour concevoir une forêt diversifiée, adaptée au milieu © Crédit photo : Fabien Paillot
« J’aimais mon métier, mais je ne parvenais pas à l’expliquer à mes enfants. Ils ont agi comme un déclencheur », avance Baptiste Trény. Ce Charentais de 37 ans, ancien cadre et gestionnaire de patrimoine auprès de l’une des plus grandes mutuelles françaises, installée à Niort (Deux-Sèvres), a tout plaqué pour se consacrer à sa « passion ». « La nature, sourit cet enfant de Saint-Simeux. Je n’ai jamais coupé avec mes racines. Je reste quelqu’un de très rural, préoccupé par l’environnement. Je me sentais impuissant face aux changements, à l’effondrement du vivant… »
Pour agir à son échelle, Baptiste Trény a choisi de créer son entreprise autant que son propre métier : créateur de forêts. L’idée ? « Créer des zones de biodiversité sur des terrains mis à disposition par les collectivités », résume-t-il. L’entrepreneur propose de recréer des forêts primaires « de A à Z » sur des terrains délaissés ou sans réelle utilité apparente. Et il s’occupe de tout : sélection des essences, plantation et entretien durant les cinq premières années.
« La contrepartie consiste à bloquer toute autre utilisation de ce terrain pendant quatre-vingt-dix-neuf ans », précise Baptiste Trény, qui entend s’appuyer sur l’obligation réelle environnementale (ORE). Ce nouvel outil juridique, né en 2016 et proche d’un bail emphytéotique, permet aux propriétaires fonciers de s’engager par contrat à protéger l’environnement et la biodiversité. Dit autrement, les tronçonneuses et coupes rases seront bannies.
Nous avons la possibilité de recréer un coin de nature, d’avoir une vision d’un écosystème complet et d’apporter cet exemple à nos concitoyens (Christelle Grasso, maire de Landrais)
Landrais s’associe à l’aventure
En Charente-Maritime, la commune de Landrais a été la première collectivité à suivre Baptiste Trény dans cette aventure. « Nous avons la possibilité de recréer un coin de nature, d’avoir une vision d’un écosystème complet et d’apporter cet exemple à nos concitoyens », s’enthousiasme Christelle Grasso, maire de ce village de 730 habitants.
Christelle Grasso, maire de Landrais, et Baptiste Trény, le créateur de forêts, explorent le terrain de la première commune à le suivre dans cette aventure Photo de Fabien Paillot
Christelle Grasso, maire de Landrais
Un terrain communal de 1 hectare, situé à 800 mètres du bourg et en plein champ, se cherchait justement un projet. Et c’est Sébastien Bethoule, conseiller municipal, qui y a pensé : « Tout est parti de notre commission « écologie ». Nous voulions créer un chemin pédestre autour des arbres, avec une forêt pour destination. Le bouche-à-oreille nous a conduits jusqu’à Baptiste Trény. » Les premiers contacts ont depuis fructifié : le terrain rocailleux où s’entassent encore les déchets verts de la commune sera bientôt reboisé.
Le village de 730 habitants se cherchait un projet : créer un chemin pédestre autour des arbres, avec une forêt pour destination. Le terrain rocailleux de Landrais où s’entassent encore les déchets verts sera bientôt reboisé
Le créateur de forêts, lui, ne se contentera pas de planter quelques essences aux graines importées, sans liens avec le terroir local. Pour concevoir une forêt diversifiée, adaptée au milieu, Baptiste Trény a fait appel à Maxime Grelier, un Rochelais fondateur de Permafforest.
Cette société propose de revégétaliser des sites privés ou collectifs selon les principes de la permaculture et par la création de forêts natives. « Nous allons sélectionner des essences autochtones comme le noisetier, le chêne ou le genêt. Des pommiers et poiriers sauvages pour apporter une diversité fruitière », énumère entre autres cet ingénieur.
Baptiste Trény a fait appel à Maxime Grelier qui revégétalise des sites privés ou publics selon les principes de la permaculture
En tout, près d’une trentaine d’essences et 1 000 arbres capables d’entretenir une coopération sur le long terme devraient être retenus. Maxime Grelier table sur la « succession écologique », des essences susceptibles de se faire la courte échelle pour atteindre les sommets, en partant des buissons et arbustes jusqu’aux futurs arbres de haut-jet, capables de dépasser les 40 mètres de hauteur. « Nous accélérons un peu ce que la nature met normalement sept cents ans à reproduire », assure l’ingénieur.
Partenariats
Baptiste Trény cherche, lui, un modèle économique au service de la nature. Et c’est en vendant des mètres carrés de plantations aux entreprises ou aux particuliers qu’il compte pérenniser son activité. « Actuellement, des entreprises offrent des arbres, à la souscription d’un contrat, par exemple, mais ils sont en réalité plantés à l’autre bout du monde… Ça a plus de sens de financer des projets locaux plutôt qu’au Pérou, en Inde ou en Ouganda », estime-t-il.
C’est en vendant des mètres carrés de plantations aux entreprises ou aux particuliers que Baptiste Trény compte pérenniser son activité
Le trentenaire a fait ses calculs, les lots seront proposés au Landrais comme ailleurs à 5 euros le mètre carré. « Un coût réellement accessible pour les clients », abonde Baptiste Trény qui planche aussi sur un partenariat avec la Coopérative carbone de La Rochelle, une structure d’intérêt collectif engagées dans la transition écologique de son territoire et opérationnelle depuis décembre 2020 (2). « Cette coopérative pourra traduire nos projets en tonnes de CO2 captées et donc en crédits carbone susceptibles d’intéresser les entreprises.
Mais ça, c’est la cerise sur le gâteau. Ce qui m’intéresse, c’est avant tout de restaurer la biodiversité, et non de vendre ce que certains pourraient assimiler à un droit à polluer », insiste le créateur de forêts, qui travaille déjà pour ses enfants : « Tous ces arbres, nous, on ne pourra jamais profiter de leur ombre. C’est pour eux, nos enfants, que l’on plante, et pour les générations suivantes. »
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Date de dernière mise à jour : 25/06/2021