Le déclin des populations d'oiseaux en France se poursuit
Les comptages d'oiseaux organisés depuis 30 ans montrent que certaines espèces ont connu un déclin allant jusqu'à moins 30%.
Article d'Iphigénie Betolaud
La situation est préoccupante pour certaines espèces, comme le tarier des prés, qui a perdu 60% de ses effectifs depuis 2001. Frank Vassen sous licence CC
Alors que les Français s'étaient émerveillés devant le « grand retour de la nature » lors du premier confinement, il semblerait que cette soudaine abondance animale, dans les villes surtout, n'ait été qu'un effet d'optique. Les oiseaux n'ont fait que réinvestir les zones d'activités humaines désertées… La fin de cette grande pause a même empêché la reproduction de certaines espèces, à nouveau dérangées par le fourmillement urbain incessant.
Le Muséum national d'histoire naturelle est revenu fin mai sur les résultats de son programme Stoc de comptage des oiseaux, mené en partenariat avec L'Office français de la biodiversité (OFB) et la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Et les dernières données de ce programme créé en 1989 sont toujours inquiétantes. Le déclin est presque généralisé, et certaines espèces très touchées, comme l'alouette des champs et la perdrix grise auraient même perdu près de 30% de leur population en trois décennies ! « Le déclin ne fait que s'accentuer », confirme le spécialiste et chercheur au CNRS Vincent Bretagnolle.
Le programme Stoc regroupe des ornithologues spécialistes et des passionnés, tous bénévoles, qui deux fois par an se rendent dans une zone tirée au sort dans un périmètre de 10km autour de chez eux, pour compter les oiseaux vus ou entendus. Grâce à des volontaires suffisamment nombreux, Benoît Fontaine, coordinateur du programme Stoc et membre du centre d'écologie des sciences de la conservation au Muséum, estime obtenir des résultats fiables. Ce comptage national, ainsi que des études plus locales, comme celle que mène Vincent Bretagnolle dans les Deux-Sèvres, vont dans le même sens : il faut agir, et vite pour enrayer le déclin.
Les oiseaux des villes souffrent de l'artificialisation toujours plus forte des milieux urbains ; mais la situation la plus inquiétante reste celle des espèces en milieux agricoles, dites spécialistes. Ces dernières ont une très faible capacité d'adaptation, et sont vulnérables dès que leurs conditions de vie sont dégradées. Or, le système d'agriculture intensive qui prévaut en France affecte à la fois leur habitat comme leurs ressources alimentaires. Par exemple, l'autorisation récemment renouvelée de l'utilisation des néonicotinoïdes, les insecticides les plus répandus au monde, aggrave la situation. Ils privent les oiseaux d'une de leurs sources d'alimentation majeure, les insectes, tout en affectant leur santé.
L'agriculture pointée du doigt
Le tarier des prés, espèce emblématique du programme, a ainsi perdu 60% de sa population depuis 2001.
Le tarier des prés
Il est notamment victime de la disparition des haies des grandes parcelles en monoculture, dans lesquelles il peut plus établir domicile.
Alors que la nouvelle politique agricole commune de l'Union européenne (PAC) devait prendre en compte cette menace qui pèse sur la biodiversité, les scientifiques se montrent très sceptiques sur les négociations en cours. « Les premiers éléments tendent à suggérer que le green deal ne sera pas au rendez-vous pour l'enjeu de la biodiversité dans les milieux agricoles », confie Vincent Bretagnolle au Figaro. D'autant plus que cette politique qui devait être appliquée dès cette année se trouve reportée à 2023.
Pour le chercheur français, sonner l'alerte ne suffit plus. Il faut se diriger vers une solution durable, sensibiliser la population. C'est dans cette optique qu'il tente une expérience à l'échelle locale, sur une zone d'étude de 500km2 et 30 000 habitants dans les Deux-Sèvres. L'objectif est de changer les habitudes de consommation alimentaire, en encourageant l'agriculture biologique. Une agriculture plus respectueuse permettrait de rétablir en partie le milieu de vie des espèces d'oiseaux menacées.
Nous sommes face à une « équation complexe », reconnaît Benoît Fontaine. Il faudrait pouvoir prendre en compte les revendications des agriculteurs, les besoins alimentaires des populations, tout en respectant la population animale. On ne peut pas seulement imposer de mesures restrictives, continue le coordinateur de Stoc, et une « politique des petits pas » ne suffira pas. L'enjeu exige une politique globale, nationale.
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Date de dernière mise à jour : 10/09/2022