Napoléon au fort des Saumonards
Deux forts nichés dans la forêt des Saumonards sont les témoins d’un projet grandiose de Napoléon. Devant les murailles de la citadelle du Château-d’Oléron, l’Empereur en visite aurait ressenti les pointes de la jalousie face à cette forteresse, alors intacte et imposante.
L’ennemi était le même, ces Anglais qui menaçaient autrefois la marine Royale et qui s’interposaient maintenant à son projet d’Empire. Très impressionné, il avait voulu marquer l’édifice de son empreinte en ajoutant les symboles de la Légion d’Honneur au-dessus de la porte d’honneur.
Cette appropriation ne pouvait sans doute suffire à contenter Napoléon. Il lui fallait un ouvrage qui soit tout à lui. Cette volonté transparaît dans les courriers qu’il a laissés à la postérité où il évoque et décrit les réalisations qu’il souhaite voir entreprendre. Il s’agissait notamment de bâtir sur la dune grise des Saumonards, alors peu boisée, plusieurs forts constituant un assemblage complexe et complémentaire de fortins, redoutes et autres installations militaires.
Les forts des Saumonards, bien mieux placés, devaient prendre place dans un projet grandiose d’ouvrages fortifiés destinés à cadenasser l’accès à ce bras de mer stratégique, interdisant s’il en était besoin l’accès aux rades de l’île d’Aix et des Trousses depuis le pertuis d’Antioche. Le choix de la localisation des ouvrages ne devait rien au hasard – ni d’ailleurs à Napoléon : située en face de l’embouchure de la Charente, où venaient se faire gréer les navires construits sur le radier de Rochefort, le site avait déjà été le théâtre de nombreuses opérations militaires, les Anglais sous Louis XIV s’y embusquant pour guetter les navires français et les envoyer derechef par le fond.Avec les forts du continent et surtout le fort Boyard, les forts des Saumonards avaient ainsi pour vocation de verrouiller les pertuis et d’empêcher la "Perfide Albion" d’attenter à nouveau, comme elle le faisait en fait depuis des siècles, à la sécurité des navires de la flotte française.
Une prouesse qui a inspiré les Allemands
Grâce aux innovations du Corps des ingénieurs mis à l’honneur par le Premier empire, ces deux constructions allaient bouleverser les techniques et pratiques en vigueur pour l’édification d’ouvrages militaires, notamment avec les tours modèles, ces points de retraits fortifiés totalement autonomes et autres constructions à l’architecture compacte qui allaient inspirer aux officiers allemands prisonniers de 14/18 les fameux blockhaus du Mur de l’Atlantique, entre autres.
Vite dépassés par les progrès incessants de l’Art des fortifications, ils allaient rapidement devenir obsolètes, notamment du fait des progrès de l’artillerie. Ces forts allaient porter des noms différents en fonction des époques, Napoléon ou de la Galissonnière pour celui implanté le plus profondément dans la forêt, Panorama ou de la Pointe de la Perrotine pour celui tout proche du chenal de Boyard.
On peut toujours admirer les contours et longer les murailles de ces forts qui ont connu des destins fort différents : l’ancien fort Panorama, qui n’avait plus de fonctions militaires au début du XXe, a été camp de prisonniers allemands pendant la Première Guerre Mondiale puis acquis par le Conseil départemental au XXIe. Il accueille aujourd’hui des élèves d’établissements scolaires du département, et des stages d’associations sportives.
Le second, qui fut lui aussi une prison pendant le premier conflit mondial, a été vendu début 2019 par les Domaines à Xavier Neel, du groupe Free. Il pourrait devenir centre de formation pour le célèbre groupe acquéreur, à moins que ce soit un centre de remise en forme…
Heureusement épargnés par l’histoire et les deux conflits mondiaux, les forts dressent toujours leurs hautes silhouettes dans la forêt des Saumonards, et s’ils ne peuvent y pénétrer, les promeneurs amoureux de l’Histoire peuvent toujours aller rêver à l’ombre de leurs imposantes murailles.
Chronologie
5 août 1808 Napoléon 1er visite les différents sites du pertuis d'Antioche (entre l'île de Ré et l'île d'Oléron). Il décide le renforcement des défenses de l'arsenal de Rochefort et de son escadre.
11 avril 1809 La marine anglaise sous les ordres de l'amiral Gambier a mis en ligne 34 navires avec 1260 canons auxquels il faut ajouter 40 brûlots et 3 navires-machines infernales à la Congreve. L'escadre française sous les ordres de l'amiral Allemand se trouve en rade d'Aix.Elle comprend 15 navires et 1032 canons. Elle reste inactive en face de l'escadre anglaise en se contentant de regarder l'escadre anglaise manoeuvrer. Dans la nuit du 11 au 12 avril l'escadre anglaise décide d'attaquer en envoyant des brûlots et des navires-machines infernales contre l'escadre française. Cette attaque va disloquer l'escadre et causer des pertes importantes. L'attaque anglaise va durer jusqu'au 26 avril.Il est décidé d'améliorer les défenses de Rochefort et de son escadre en construisant le fort des Saumonards en face du fort Boyard.
1810 Mise en chantier de la tour-modèle n°1 ainsi qu'une batterie pour 20 pièces d'artillerie.
1818 Fin de la construction du fort.
1846 L'ingénieur Vidal conçoit un nouveau projet de fort.
1848 Réalisation du nouveau projet de fort.
1854 Les batteries sont achevées et leur armement peut commencer.
1857 Réalisation des massifs de sellettes des plates-formes.
1865 Réalisation des créneaux de fusillade hauts sur le mur de gorge du fort.
1885 La mise au point de l'«obus-torpille» nécessite d'adapter les défenses du fort.
1900 début du 20ème siècle Le fort est déclassé.
https://structurae.net/fr/ouvrages/fort-des-saumonards
Charente-Maritime
Xavier Niel a acheté un fort napoléonien dans l’île d’Oléron
Le patron de Free et copropriétaire du journal "Le Monde", Xavier Niel,a acheté le fort des Saumonards à l’État.
Un singulier fort napoléonien pour un patron atypique. Le mystérieux acheteur du fort des Saumonards, perdu au milieu d’une vaste forêt entre Boyardville et La Brée-les-Bains, et rattaché à la commune de Saint-Georges-d’Oléron, serait donc Xavier Niel, patron de l’opérateur de téléphonie mobile Free et copropriétaire du journal "Le Monde".
Selon nos informations, c’est plus exactement l’École 42, un établissement d’enseignement supérieur au nord de Paris lancé en 2013 par Xavier Niel, pour former des développeurs informatiques, qui serait à la manœuvre. La destination future du site (annexe de l’École 42 ou centre de séjour pour les étudiants) restait en suspens.
En juin 2018, l’État, propriétaire du site, avait publié une annonce dans la presse pour faire savoir que le ministère de la Défense souhaitait s’en séparer, à travers un "avis d’appel à candidatures". Les intéressés avaient jusqu’au 29 octobre pour se manifester. Selon une indiscrétion recueillie après la clôture des candidatures, l’administration publique aurait reçu 80 candidatures, dont 15 solides.
Moins connu que certains de ses homologues édifiés pour constituer "la ceinture de feu" protégeant l’Arsenal de Rochefort, le fort des Saumonards (appelé aussi fort de la Galissonnière) achevé en 1818 est aussi plus discret malgré un volume important : 25 600 m² érigés sur une parcelle de 3 200 m². Il est niché dans la forêt qui s’étend sur 645 hectares, mais reste invisible de la mer.
Le fort des Saumonards a servi au XXe siècle de lieu de colonie de vacances pour les enfants de militaires et du personnel civil des armées, avant de fermer en 2012. Ici, dans le réfectoire.
CRÉDIT PHOTO : PIERRE CAZENAVE
En 1871, il a accueilli 500 fédérés arrêtés après l’insurrection de la Commune de Paris. Il a servi au XXe siècle de lieu de colonie de vacances pour les enfants de militaires et du personnel civil des armées, avant de fermer en 2012.
Le site aurait été évalué par la Direction régionale des finances publiques aux alentours de 850 000 euros. À 33 euros le mètre carré, le fort des Saumonards peut paraître comme une belle affaire mais grevée par des servitudes. Situé en zone rouge feu de forêt, il est aussi difficilement accessible. Ce qui n’a pas rebuté Xavier Niel et son entourage.
Date de dernière mise à jour : 11/07/2021