Lisieux
L’Aigle Impérial réapparaît à la veille du bicentenaire de la mort de Napoléon
Disparue depuis plus de 150 ans, une sculpture qui dominé le tombeau de Napoléon vient d’être redécouverte par le sous-préfet de Lisieux, dans le prieuré de Saint-Hymer (Calvados)
Le sous-préfet de Lisieux (Calvados), Guillaume Lericolais, entouré de collaborateurs ayant également enquêté sur l’histoire de l’aigle : Fabrice Jardin (à g.), secrétaire général et Sébastien Chauffray, employé polyvalent
C’est par un heureux concours de circonstances, mais aussi grâce à la perspicacité de Guillaume Lericolais, sous-préfet de Lisieux (Calvados), qu’un aigle impérial vient d’être sauvé d’une destruction quasi certaine.
Retrouvée dans le prieuré de Saint-Hymer, à quelques kilomètres de Pont-l’Évêque, cette imposante sculpture de 2,60 m d’envergure et près de 40 kg, faite de bois et de plâtre doré, a surplombé pendant plus de 20 ans le tombeau provisoire de Napoléon, avant que la dépouille de l’empereur ne rejoigne l’actuel tombeau de quartzite rouge sur socle de granit vert, dessiné par l’architecte Louis Visconti et placé sous le dôme des Invalides.
Retour des cendres
Le 5 mai 1821 à 17 h 49, Napoléon s’éteint à 51 ans dans sa maison de Longwood, sur les terres anglaises de l’île de Sainte-Hélène au large des côtes de la Namibie, où il vit en exil.
Le gouvernement anglais s’oppose à son inhumation en France, et l’empereur est donc enterré sur place, près de la fontaine Torbett, lieu où il appréciait se promener.
Il faudra attendre 1840, et l’amélioration des relations franco-britanniques, pour que sa dépouille rejoigne enfin la France ; c’est le Retour aux Cendres, formule consacrée de l’époque, même si la dépouille n’avait subi aucune crémation.
Elle était, au contraire, bien conservée grâce à une réaction chimique s’étant produite dans les quatre cercueils gigognes dans lesquels l’empereur reposait.
Naviguant tout d’abord sur la Belle-Poule jusqu’à Cherbourg, puis sur le vapeur le Normandie jusqu’au val-de-Haye, la dépouille impériale termine son trajet sur la Seine à Courbevoie sur la Dorade avant d’être emmenée aux Invalides, encadrée d’une immense foule en liesse.
Et là, pendant plus de 20 ans, Napoléon reposera dans un mausolée installé dans la chapelle Saint-Jérôme des Invalides, attendant que son tombeau définitif soit ouvragé. Et dans cette chapelle ardente, cinq aigles impériaux surplombent l’empereur, cinq sculptures massives d’aigles aux ailes déployées sur 2,60 m d’envergure.
Lithographie d’époque représentant le mausolée de la chapelle Saint-Jérôme, avec l’aigle surplombant le tombeau. L’aigle a la tête tournée sur la gauche car cette litho est une reproduction inversée (effet miroir), comme le prouvent les « N » de Napoléon, inversés également.
Lorsque, en 1861, Napoléon rejoint son lieu de repos définitif, sous le dôme des Invalides, la chapelle Saint-Jérôme reprend son aspect initial, et l’histoire ne dit pas ce qu’il advînt des aigles impériaux, disparus depuis.
Retour de l’aigle
Faisons à présent un bond en avant de 160 ans. Nous sommes en avril 2021. Guillaume Lericolais, nouveau sous-préfet de Lisieux depuis le mois de novembre, a appris, lors d’une réunion de travail avec des architectes des Bâtiments de France, que le prieuré de Saint-Hymer était en cours de vente par l’hôpital de Pont-l’Évêque à qui il appartient.
Passionné d’histoire en général, et de celle de la Normandie en particulier, le haut fonctionnaire profite d’un créneau dans son emploi du temps pour, de retour d’un déplacement sur la côte, s’arrêter et visiter le prieuré qui a appartenu un temps à Jean-Charles Langlois, personnage historique de l’époque napoléonienne.
« Tous les objets de valeur avaient déjà été retirés des bâtiments. Et quelle ne fut pas ma surprise en tombant sur cet aigle ; il m’a aussitôt interpellé, d’autant plus que l’ancien propriétaire du prieuré était Jean-Charles Langlois. Pourtant il reposait là, à l’abandon, et aurait sans doute fini à la benne lors des travaux du nouvel acquéreur. La directrice de l’hôpital m’a permis de le récupérer et je l’ai fait transférer à la sous-préfecture. »
Guillaume Lericolais, sous-préfet de Lisieux
Retour aux Invalides ?
Commence alors une enquête qui va passionner plusieurs des collaborateurs du sous-préfet : d’où vient cet aigle ? Les premières hypothèses ne tardent pas quand on découvre qu’il est identique à celui figurant sur des lithographies reproduisant le mausolée de la chapelle Saint-Jérôme.
Serait-ce « lui » ? La piste se confirme lorsque la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) évoque l’histoire « d’un aigle offert par Napoléon III à Langlois », et mieux encore : « Dans l’inventaire du testament de Jean-Charles Langlois, figure un Aigle des Cendres de Napoléon 1er ».
Plus de doute à présent, il s’agit bien d’un des cinq aigles disparus ayant surveillé le long sommeil de l’empereur.
« J’ai transmis tous ces éléments au musée des Armées. Quand j’ai reçu une réponse en moins de 24 heures, j’ai compris qu’il se passait vraiment quelque chose alors ; d’autant plus que la réponse d’une des conservatrices du musée était sans appel, confirmant un lien quasi certain au regard des éléments entre le tombeau de l’empereur et l’aigle. »
Guillaume Lericolais, sous-préfet de Lisieux.
Quel avenir à présent pour cet Aigle Impérial ? « J’ai lancé les démarches pour procéder au classement de cet aigle au titre des Monuments Historiques », expose Guillaume Lericolais, « le premier objectif aujourd’hui est d’assurer sa restauration, puis de le mettre en valeur, qu’il soit exposé au musée des Armées ou qu’il retourne aux Invalides. »
Date de dernière mise à jour : 09/05/2021